Si le reportage est la base du journalisme, dans la pratique, les phénomènes de fusion et de concentration des médias ont mis à mal la diversité de la presse qui est de plus en plus aliénée aux flux incessants d'images et de nouvelles déversées par l'internet, dans le mainstream de l'actualité et de la pensée...
Nous disons Basta à ce journalisme-là !
Vous venez de saisir les raisons du nom du bateau...
Confrontés à cette évolution, après une dizaine d'années de piges, basés à Paris, prenant l'avion pour les quatre coins du monde, nous avons eu cette idée simple : faire du reportage autour du monde en bateau à voiles.
L'objectif : renouer avec un journalisme de terrain, à l'heure où les journaux accordent moins de budget et de place aux reportages, particulièrement à l'étranger. Il est si loin le temps d'Albert Londres ! Aujourd'hui c'est quatre à cinq jours pour une enquête. Le reste se traite au téléphone et via Internet.
Le BATEAU BASTA est donc devenu à la fois une maison nomade et une rédaction itinérante qui nous permet de défendre une certaine conception de notre métier en allant prendre les informations à la source, au plus près ; pour constater sur place et sur pièces, pour éprouver toute la complexité et l'épaisseur du monde, puis en témoigner avec notre subjectivité.
Notre voilier peut ainsi rester plusieurs mois dans une baie de la mer des Caraïbes, servant de point de chute entre des allers-retours à l'intérieur du pays, voire dans un pays voisin.
Avec un sac, un hamac, on prend un autobus, et hop ! Pour aller crapahuter, rencontrer les gens, prendre le temps d'écouter, d'enregistrer, de photographier leur univers, pas seulement de tirer rapidement leur portrait.
De retour au bateau, nous prenons le temps de réfléchir, d'écrire, d'éditer; puis nous envoyons nos matériels texte et photos ou son, via internet. Nous pratiquons ainsi une forme originale de "slow" journalisme qui colle à notre vision du métier, et qui nous permet, de plus, de vivre en autonomie, proche de la mer et de la nature, en laissant une empreinte carbone minimale: nous avançons avec le vent, produisons notre énergie avec des panneaux solaires, récupérons l'eau de pluie autant que possible; et nous mangeons souvent le fruit de nos propres pêches...
Puis, nous levons l'ancre et hissons les voiles vers une prochaine escale, de prochains reportages...
Depuis notre départ à bord de BASTA, en décembre 2007, notre rédaction nomade nous a permis de publier dans LA VIE un reportage sur le mouvement antimafia de Sicile, dans le NOUVEL OBS de dévoiler la silicose mortelle des ouvriers du textile turcs qui sablent nos jeans à la mode, ou encore, pour LE MONDE DIPLOMATIQUE de mener une enquête sur l'exploitation des ouvrières agricoles marocaines, et pour ALTERNATIVES ECONOMIQUES sur la spoliation des forêts d'arganiers par l'industrie cosmétique... BASTA a ensuite mis les voiles sur l'Afrique de l'Ouest dénonçant au passage l'accaparement des terres maliennes par des puissances étrangères dans TERRA ECO. De l'autre côté de l'Atlantique, nos reportages ont pointé le leurre de la "banane durable" antillaise, ou rapporté l'effervescence de la démocratie participative vénézuélienne dans notre livre "Chroniques bolivariennes" publié aux Editions du Croquant en mars 2014. Dernièrement, nous avons publié un article dans LE MONDE DIPLOMATIQUE sur les impacts de la prolifération de barrages hydroélectriques en Amérique centrale, sous le titre "Qui a tué Berta Caceres ?" Actuellement, nous faisons le plus souvent des reportages radiophoniques en Amérique Centrale, pour une émission de reportages et de voyages de la radio suisse romande.