Depuis notre remontée secouée, au près, du Venezuela jusqu’en Martinique, nous avons encore bouffé des miles nautiques !
Mais avant de reprendre la mer, sur cette île française, l'équipage du Basta s'est lancé dans un reportage culinaire sur la banane antillaise... Il s'agit là, bien sur, de cuisine politique teintée de lobbying économique à la sauce aux champignons...
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Le sujet a aussi fait l'objet d'une « carte postale » publiée dans SINE Mensuel : clic là !
Parallèlement, nous avons suivi les entraînements de la sympathique équipe de yoleurs âgés de 10 à 14 ans, en apprentissage à bord de la bébé yole "Jeannine", dont les difficiles départs à la voile dans les rouleaux de la Trinité nous ont beaucoup impressionnés : un « mini-reportage » à paraître dans GEO ado du mois d'août : re-clic !
La Martinique est toujours une escale de joyeuses retrouvailles familiales et amicales.
Petit clin d’œil tout particulier à la famille « 16 » ! « Je voudrais le fils, le couz, la fille, le beauf ! » Toujours prêts à faire la fête, toujours la main sur le cœur !
Dans cette île, trop encombrée de bagnoles, de grandes-surfaces et de panneaux publicitaires, nous ne manquons jamais ces douces après-midis dans le « zion » des vieux potes Kazy et Naby, deux vrais adeptes de la décroissance qui ne se contentent pas d'acheter des produits bio chez Carrouf ou de fermer le robinet quand ils se brossent les dents ! Dans son livre, qui vient de paraître aux éditions Amalthée, « Rasta, la gnose caraïbe », Ras Naby s'explique ainsi : « Quelle révolution pourrait être plus pertinente que celle du roots Rasta ? Il ne s'agit plus de détruire un système pour en refaire un autre, mais de soustraire un à un notre énergie vitale de son circuit infernal par le choix légitime et respectable d'une vie simple ».
Après tout ces verres et ces verts... du bleu, du bleu, du bleu !
Basta a fait route direct sur Santiago de Cuba : 1100 miles nautiques !
Puis, quittant à regret le pays des frères Castro (nous reviendrons dans de prochains posts sur notre séjour de deux mois à Cuba), nous avons mis le cap sur l’île de Curaçao où nous sommes aujourd’hui, via l’île à Vache à Haïti et le cap Beata en République Dominicaine. Nos routes sur la carte dessinent un grand cercle sur la moitié de la mer des Caraïbes…
En mer, surtout quand Basta trace son sillon bien calé sur son angle de gîte, la lecture, tous deux vautrés sur nos couchettes, reste la seule activité soutenable. Alors l’équipage en profite pour enfin dévorer des livres.
« Rien donc ne nous limitait, rien ne nous définissait, rien ne nous assujettissait ; nos liens avec le monde, c’est nous qui les créions ; la liberté était notre substance même » écrit Simone de Beauvoir en pleine « Force de l’âge », à propos d’elle et Sartre, alors jeunes et rêvant de vivre de leur plume…
Depuis bientôt cinq ans que nous avons quitté Paris en voilier, sans aucunes économies, nous voguons au gré de nos envies, vivant modestement de textes et de photographies, essentiellement contraints par les vents… Est-ce aussi une substance ?
En navigation, à bord de notre Basta, oui, on se sent si libres qu’on s’en étonne à tout moment !
Parfois, mettant le nez dehors pour prendre un bol d’air entre deux phrases ondulantes, une masse sombre à angles trop droits grossit sur l’horizon dégueulant ses containers remplis de marchandises comme une machine de guerre commerciale sur un océan de poésies. Pas la notre - notre propre poésie ne semblant savoir s’exprimer que dans notre mode de vie- plutôt celle de notre ami cubain Alfredo, rencontré à Manzanillo, que nous lisons aussi pendant nos quarts.
Nous l’avons très approximativement traduit ainsi (nous pardonneras-tu Alfredo?!) :
Déglutition déplacée sous dais
I
Vertical descente d’un tour qui se ramassera en mer
Fange octroyée blancheur à temps
coucher les lèvres
bras souteneur
nota bene : sa fin ne sera pas cette fois l’eau
II
Altitude
les cheveux comme grimaces
amertume
profondes concavités qui traînent le sel
Horizontal cette fois confirme le paysage
qui va en s’étendant
III
Son odeur est sa finitude
Algides points afin d’aveugler la vue
Décharge tout ses sons dans la mer serrée
Extrait de « Luz & figuras », par Alfredo Perez Muñoz, Ediciones ORTO, 2007
(orto@crisol.cult.cu)
Pour Alfredo, le mot mer, n’est jamais très éloigné de l’idée de désir.
Pour Simone, qui n’était sûrement pas un grand marin mais parlait si bien de la liberté qu’elle construisait avec Sartre, « la joie amoureuse devait être aussi fatale et aussi imprévue que la houle des mers… »
Pour nous, quand nous n'arrivons plus à les lire, quand la mer devient forte, que le vent fraîchit, qu'il vient d’où nous allons, et que de surcroît 2 nœuds de courant amplifient notre dérive, la mer devient alors une sorte d'aliénation en substance qui nous assujettit...