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1 juillet 2008 2 01 /07 /juillet /2008 12:11

Amal est à la fois professeur et syndicaliste. Il sait donc aussi bien manier les mots que la police. Ce soir là, dans un douar planté au pied de l’Atlas, il explique à un agent: « L’art s’insinue partout. Le photographe d’art prend aussi bien en photo un arbre qu’une ouvrière agricole. Pourquoi pas une pierre ? L’art n’a pas de limites ! ». Il est 23 heures. Deux représentants des « forces de répression », comme dit Amal, sont venus frapper à la porte de la maison où nous sommes invités à dormir sur des tapis. C’est la maison d’un syndicaliste du « syndicat des paysans pauvres ». Elle était remplie quelques minutes plus tôt d’ouvrières agricoles avec qui nous conversions sur leurs conditions de travail proches de ce qu’on pourrait appeler de l’esclavage. Daniel avait photographié Kabira. Une photo « d’Art ». Picasso ne s’est-il pas inspiré de Guernica ?

 KABIGHA.jpg

Plus les deux agents se montraient fermes, plus Amal accompagnait sa tirades d’amples gestes.  C’est que certains thèmes fâchent dans cette région en voie de désertification où les rares ressources en eau sont déviées pour alimenter les grandes exploitations agricoles exportatrices de tomates et d’agrumes vers la France. Mais là n’est pas le sujet, vu que l’Art n’a pas de limites. La photo de Kiltoum qui regarde le lac crée par le barrage n’est-elle pas une photo « d’Art », même si son regard se noie à l’endroit où son village et ses champs ont été engloutis ?

 


 

« Noms, prénoms, du père, de la mère, etc etc »  « Professions ? » « Je suis photographe d’art », avait répondu Daniel. Moi : « Je prend des notes parce que je suis écrivaine » « Vous faites un reportage ? Vous êtes journalistes ? Vous travaillez donc… » « Non, nous sommes en voyage de tourisme  culturel  ». 

 

Si vous voulez  savoir le vrai coût (social et écologique) des légumes primeurs et des agrumes du Maroc que vous mangez  en hiver, il faudra lire prochainement les textes culturels que je prépare pour des revues d’Art sans limites.

 

Puis, les policiers de cette bourgade nous ont pisté pas à pas, nous contrôlant trois fois. A l’un de leur barrage, notre ami syndicaliste Aziz leur a dit : « Le maire aimait pourtant beaucoup les Français dans le temps… Aujourd’hui, voyez-vous, nous aussi nous en accueillons ! »



Plus tard, le maire, touché, aura l’aimable intention de nous envoyer un agent hors du village alors que nous visitions une coopérative de paysannes…
L’accueil légendaire des berbères !

D’ailleurs, nos amis syndicalistes se seraient presque battus pour nous accueillir chez eux. Impossible de payer quoi que ce soit ! Qu’importe de nouveaux problèmes avec la police ! Qui préparera donc ce soir le tagine ? Qui nous prendra sur le porte-bagage de sa mobylette pour nous emmener visiter les sources taries en tombant en panne d’essence, puis crevant un pneu ? Qui poncera la chambre à air avec le grattoir d’une boite d’allumette faute de lime ? Ou encore : qui pourra nous offrir son hospitalité et nous couvrir de cadeaux comme l’adorable Hafida qui a décoré de ses mains une savonnette ornée de nos deux prénoms ?

Si l’art n’a pas de limite, l’accueil des paysans Berbères non plus.

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19 avril 2008 6 19 /04 /avril /2008 15:09

J’ai calqué notre route maritime sur une feuille, puis j’ai tourné la feuille. J’ai obtenu le profil d’un visage doté d’un front et d’un nez bien saillants. Cette route zigue-zaguante, c’est celle qui est tracée sur notre carte marine et qui  relie Mallorca à l’endroit où nous avons accosté cinq jours après avoir quitté les Baléares : Melilla. Pourtant, seuls environ 360 milles nautiques ( 650  km) séparent ces deux points. En ligne droite, nous aurions du mettre 3 jours.

 

 

halo-BD.jpg



Mais nous naviguons en Méditerranée : d’abord vent de sud-ouest, puis de nord, passant au nord-est, puis à l’est en passant par le sud etc… Le tout avec différentes forces de vents allant de la pétole au grand frais officiel agrémenté de rafales bien plus puissantes. Généralement dans ces conditions, la mer est contraire au vent et forme une sorte de marmite bouillonnante, parfois couverte d écume. Dans ce cas, le marin se dit toujours à un moment : « Mais faut être dingue pour prétendre aimer ça ! »

 

Nous devions arriver avant le 17 avril à bon port, date à laquelle commençait le festival de musique soufi de Fes que Daniel s’était engagé à couvrir pour un quotidien espagnol, avec et grâce à l’ Incorrigible journaliste Karine.



Nous sommes arrivés le 16. Daniel serait arrivé à la nage de toute façon s'il avait fallu.

Basta est donc amarré à la marina de Melilla, enclave espagnole au Maroc de 20 km2 cerclée de barbelés.
Pas de soucis de vol : un flic tourne en permanence autour de la marina passant toutes les 10 minutes devant le bateau. Il sassure que des immigrés clandestins n'arrivent pas à la nage dans le port. Drôle de bled où l’on ne sait plus trop qui est enfermé derrière les barbelés (?)

 
Pour l’équipage du Basta, c’est un nid de sujets et une base pour partir en reportage au Maroc. Ce pays est juste là, à trois coups de pédale en vélo. Derrière la frontière, ça grouille de Marocains, d’Africains. Ils commercent, trafiquent, survivent, tentent de passer dans ce premier monde qui marche de travers…

 

 

 

 

 

 

 

 

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25 février 2008 1 25 /02 /février /2008 08:48
Le 18 février vers midi, Basta s’éloigne des îles du Frioul. Cap sur la capitale catalane ! Il y a certes un avis de grand frais localisé sur les côtes du Roussillon, mais celles de Provence sont balayées par une petite brise de Sud-Est. Et c’est si bon d’envoyer les voiles.

Cependant -il fallait s’en douter- la première navigation maritime de Basta dans sa peau neuve s’effectue par un vent d’une soixantaine de kilomètres/heure sur une mer très agitée à forte. Un peu sportif comme premier test, l’équipage n’ayant pas navigué en mer depuis la traversée de l’Atlantique en été 2006 à bord de ce rafiot acheté en Martinique !

 

Problème : les travaux de ce bateau sont à peine terminés malgré une année à sec, et certains petits aménagements manquent encore. Un détail tue : l’absence de serre-casseroles. Cela ne suffit pas de posséder une gazinière sur cardan, c’est à dire, une gazinière qui bouge de façon à toujours rester plus ou moins à l’horizontale. Non, il faut aussi bloquer les casseroles sur la grille avec des barres en inox. Or, nous n’avons pas encore trouvé ou souder sur mesure ces fameuses tiges indispensables pour cuisiner au large. C’est vrai, on aurait pu y penser avant…

De fait, pas encore amarinés, nous avons du mal à digérer la purée déshydratée « Top budget » gonflée à l’eau à peine tiède rapidement chauffée en tenant la bouilloire. Une main au-dessus du gaz oscillant, l’autre agrippée à une main-courante, suis-je vraiment barbouillée à cause de la marque de la purée ?

 

Le vent souffle fort toute la nuit. Il vient du Sud-est, si bien qu’à l’approche du cap San Sebastian, il risque de coller le bateau à la côte jusqu’à Barcelone, une côte où les ports sont justement difficiles d’accès par ce type de vent. 

DSCN0912.jpg

Prudence (et purée Top budget) oblige, Basta change donc de route au petit matin pour se diriger à l’abri du cap Creus. Derrière cette bande de terre, un mouillage forain fait face à la petite ville balnéaire de la Selva, au cœur d’un parc naturel. Objectif : se reposer, se dessaler, manger, attendre une accalmie ou un changement de direction du vent. 

L’arrivée sur Barcelone se fera au moteur les jours suivants, faute de vent.

On nous avait prévenu : en Méditerranée, pétole ou vent frais !

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29 janvier 2008 2 29 /01 /janvier /2008 08:04
Le navigateur breton a mis 57 jours, 13 heures, 34 minutes… pour faire le tour du globe. Bof.

Il aura fallu bien moins à BASTA pour rallier Paris à la Méditerranée, en passant par le pôle Nord – enfin, son équivalent chaumontique : 49 jours et 7 heures en arrondissant. Bon, c’est vrai, nous avions prévu 15 jours…

Dans l’attente de son re-matage, en préparation, BASTA est a amarré à Port Saint Louis du Rhône. En arrivant, Daniel s’est écrié : « C’est ici que commence l’aventure ! » Moi qui croyait qu’elle était bien entamée…


Retour au 26 janvier. 
Après une dizaine de jours à Marseille (partis en reportages, en train!), la navigation fluviale reprend sans glace, mais avec le courant : sur la Sâone, par endroit, il fait plus de 5 kilomètres/heure. (Pour les initiés, le GPS indique que Basta avance à 10 nœuds, alors que le loch marque une vitesse à 6,5 nœuds !)

Ça change. Désormais, non seulement il y a du courant, mais il est favorable, et les d’écluses se font rares. Mais quelles écluses ! A la première, Daniel monte à l’échelle avec les bouts à la main. Il s’apprête à amarrer l’avant à quai et retenir l’arrière en régulant la longueur à mesure du bassinage. Comme nous faisions sur le canal. 

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L’éclusier n’en revient pas : « Mais qu’est-ce que vous faites là ? », vient-il demander, descendu de sa tour, une très haute tour. Il explique : « Pas de ça ici, le dénivelé fait 12 mètres ! »

Eureka. Les bollards sont mobiles, ils descendent avec le niveau du bassin. Sur le Rhône, idem. Avec des dénivelés de 15 mètres. Le Basta s’enfonce entre deux grands murs en béton dignes de site nucléaires James-bondesques.

DSCN0818.JPG


D’ailleurs, sur le Rhône, on comprend vite pourquoi une interdiction de manger le poisson est récemment tombée. L’exotisme est fait de fumées, de torches enflammées, de radioactivité… Un son et lumière permanent. Avec une troisième dimension olfactive.

DSCN0817.JPG


Un mistral à 60 kilomètres/heure pousse le Basta avec le courant. Dans les bras très larges, les creux se forment. La crête des vagues s’envole.

Bémol : la traversée de Lyon, magnifique ! Et l’escale, sympa, avec les amis lyonnais à dîner à bord. 

DSCN0766.JPG



Et la traversée d’Arles… C’était presque un trip plat, du genre touristique. Quand, juste à la sortie de cette belle citée - au kilomètre 284,5 - un choc ! Basta cogne, gîte, se met travers au courant. Un banc de sable ! Daniel, à la barre, qui rêvassait, est à peine sorti du chenal marqué par un alignement de bouées vertes.


Nous avons tout essayé : marche arrière toute, marche avant toute, rappel pour faire gîter plus le Basta. Ancre mouillée en annexe à la rame, en remontant un courant de 3 nœuds. Résultat : le guindeau casse ! VNF ne répond pas à la radio VHF.Au bout de deux heures, ayant tout essayé, en ayant assez de voir, non loin, à la jumelle, l’embarcation des pompiers amarrée à un quai, nous les appelons !

856.jpg

Merci les pompiers d’Arles ! Avec un 115 chevaux, ils ont eu du mal à nous désenliser. Heureusement, ils ont insisté. En nous accostant, en effet, ils avaient prévenu : «  Si ça ne marche pas, on vous débarquera par sécurité et on appellera un remorqueur à vos frais… » Gloups…


Le reste de l’embouchure du Rhône, sans carte, très peu balisée, a été – comment dire – un rien angoissante … Jusqu’à l’arrivée à Port Saint Louis, de nuit.


Là où l’aventure commence.



 

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29 janvier 2008 2 29 /01 /janvier /2008 07:55
Lundi 7 janvier, Basta est toujours là où il a été bloqué depuis sa tentative avortée d’avancer dans le sillage du brise-glace, mais, au réveil, la glace qui bouchait le bief à 50 mètres derrière le bateau a disparu. Un tour en vélo pendant une dizaine de kilomètres sur le chemin de halage et : « On tente le coup ! » Il ne reste, devant nous, que de rares passages encore gelés, à peine long d’une centaine de mètres, jusqu’à la halte nautique du village de Foulain.

 

Préparation : dans la matinée, Daniel pédale jusqu’au Brico-truc du coin. Il doit acheter du contre-plaqué, en planches, de 1m50 sur 30 cm, afin de protéger l’étrave du bateau contre les plaques de glace que nous allons heurter par endroit. Cependant, une fois dans les rayons du magasin truc-pipin, il tombe sur une promo : un lot de 4 panneaux en PVC long de 2m50, large de 30 cm. « A 4,75 euros, c’est pas cher ! » A la caisse, il croise justement le chef local du service fluvial : « ça va tenir le coup, tu crois ? » « On verra ! »« 14 euros, monsieur s’il vous plait ! », sourit la caissière… Une erreur d’étiquette. Trop tard ! Il repart avec le PVC sous le bras.

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L’avantage : le PVC est souple. Il épouse la forme de l’étrave. Nous y appliquons deux plaques l’une contre l’autre, plaquées de chaque coté du bateau, percées, tenues par des bouts, par le haut et par le bas…

On y va ! Sauf qu’à la sortie de « notre écluse » - celle devant laquelle nous avons passé une quinzaine de jours et où nos amis cévenols sont venus fêter le premier de l’an armés de victuailles et autres éléments naturelles qui poussent chez eux - un petit banc de glace de 20 mètres de long suffit pour commencer à crever notre installation.

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Nous serons bloqués juste après Foulain, devrons revenir en arrière à la halte nautique. Histoire de passer la journée à renforcer notre armure d’étrave avec une troisième couche :

1 : la bâche, 2 : le PVC, 3 : des planches en bois formant un « V » bien fermé par des plaques de caoutchouc solidement vissées.

 

Pas de chance : il regèle la nuit. Nous restons à Foulain, à imaginer y passer deux mois.

Un sympathique autochtone croisé devant la boulangerie rassure : « Dans le temps, c’était moins 28 degrés ici. Un mètre de glace, j’vous dit ! » Le ponton donne sur le cimetière. Nous sommes sur la rive des morts. « Ce bateau est parfait ! Y’a que sa position qui merde… », soupire Daniel.

 

Mercredi 9, Basta repart pourtant. Pas pour longtemps, bloqué par un bief gelé sur 600 mètres. Daniel, à l’avant, armé d’une gaffe, tape comme un fou sur la glace, écartant les morceaux brisés, pendant que je régule le moteur. Point mort. Légère marche avant. Point mort etc 

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Il martèle. Mais on n’avance pas. « Daniel, arrête ! On n’y arrivera pas !  Il relève enfin la tête : « Ah c’est vrai ! ». Nouvel amarrage, à la sauvage, à des pieux taillés au poignard dans le bosquet.

24.jpg

 

Le 10, à l’attaque ! Dans le sillage d’une péniche.Nous avançons doucement. Il a plu dans la nuit, la glace est moins dure. Mais à la sortie de cette mauvaise passe, l’allure des planches n’est pas rassurantes : elles sont défoncées, le PVC est rayé. Au moins, ça a servi.

  Par la suite, il manquera d’eau dans plusieurs biefs où la péniche s’échouera. Et nous derrière. Pas grave : on effleurera juste la vase. Rien à voir avec ce qui va nous arrivera plus tard…

 

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BASTA est en Bretagne...

Après 63 jours de mer depuis le Panama, Basta flotte sur la Vilaine.

Nous retapons dans le Morbihan une micro-ferme : https://microferme-bastardiere.fr/

Nous y accueillons désormais des Wwoofeurs. Venez nous aider contre gite et couverts !

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