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2 janvier 2008 3 02 /01 /janvier /2008 05:27

Quand les 9 tonnes du Basta poussent au ralenti les plaques de glace à peine brisées, parfois elles s’écartent un peu frôlant la coque, souvent elles passent carrément en dessous de l’étrave, raclant la carène, stoppant net la course dans un choc violent. Mieux vaut ne pas descendre dans le bateau. Les coups contre la coque, les cognements secs ou les raclements interminables contre le polyester sont insupportables…

Dans le cockpit, on entend aussi, aux alentours, des flots étranges de « gling, gling» : les morceaux de glace s’entrechoquant entre eux, enfermés dans le tracé du canal.

 

En fermant les yeux, on imaginerait aisément une fée volant au-dessus du cours d’eau jetant au bateau de doux sorts à la baguette magique. Cependant, à ce moment, à bord du Basta, l’équipage affronte yeux grands ouverts la rude réalité de la haute Marne, des dérèglements climatiques ou du manque de budget de VNF (Voies Navigables de France).

 

Le marinier hollandais qui nous devance, transportant patiemment un chargement à destination d’Avignon, a la grogne, lui aussi. Non pas parce qu’il craint pour sa coque, la sienne étant en acier, mais parce qu’il s’y connaît en matière de navigation fluviale dans le grand froid : « Il n’est pas bien adapté votre brise-glace ! Il ne brise pas très large ! », lance-t-il à l’écluse de Choignes au personnel VNF qui le sait et n’y peut rien.

 

Pour pressentir le verdict du Hollandais, pas besoin de naviguer jusqu’à Amsterdam !

Il suffit d’observer depuis la berge le capitaine du dit brise-glace. Un gars du cru bien musclé, heureusement. Il manie une grande barre à roue avec une dextérité incroyable, dans un jeu de mains hollywoodien : à bâbord toute, à tribord toute, à bâbord toute, à tribord toute… comme un skipper pris dans une sorte de tempête caricaturale !

chaumont-03.jpg

Mais on ne peut pas broyer de la glace avec un brise-glace, seulement la briser, encore moins quand celui-ci n’est qu’une lourde barge à fond plat, moins large qu’une péniche, même lancée par un puissant pousseur. Son vaillant capitaine est obligé de faire marche arrière à tout va pour briser la glace sur une zone plus large dans les endroits ou les quatre péniches « Fressinet » qui le suivent ne pourront même pas passer.

 

En ce samedi 29 décembre, c’est au rythme de 0,5 kilomètres par heure que ce convoi exceptionnel a atteint le port de Réclancourt (au Nord de Chaumont). Le Basta pris dans la glace y attendait impatiemment depuis deux semaines de s’enfiler dans le sillage tracé. 

Pour ce faire, nous avions tendu contre l’étrave une bâche épaisse et solide. Elle était supposée amortir les chocs de la glace contre la peinture neuve, tout comme les quatre planches attachées par des bouts (par le haut au balcon, et par le bas, en faisant le tour sous la carène), plaquées de chaque côté au niveau de la ligne de flottaison.

Quel leurre que de vouloir transformer le Basta en brise-glace !

 

Au passage du convoi, il a fallu d’abord éloigner les icebergs décrochés de la plaque à l’aide d’une grande perche pour amortir la violence des premiers chocs. 

chaumont-02.jpg

 

Dans le sillage de la dernière péniche, celle du Hollandais, nous avançons donc au ralenti, évitant d’écouter les chocs depuis l’intérieur du bateau. Rapidement, cependant, la péniche nous sème. Le puzzle de glace brisé se reforme aussi vite derrière son sillage. Des blocs de glace de plus de 10 centimètres d’épaisseur, large de cinq mètres flottent à la surface du canal. La fée transforme sa symphonie en tintamarre de bris de glace semblable à celui que ferait un éléphant dans un magasin de cristal. Ça fait mal. Trop tard. Le Basta est parti. Il faut avancé. 

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A Choignes, nous demandons au Hollandais d’attendre le Basta à la sortie de l’écluse, afin de pouvoir profiter de son sillage. En théorie, ça devrait aller mieux, mais les icebergs sont de plus en plus gros et épais. Ils cognent contre la coque, d’autant que l’hélice de la péniche les met en mouvement, leur donnant de la puissance. La carapace de planche ne tient pas les coups : elle éclate. Et la bâche se déchire.

 

Le Basta a parcouru en une après-midi, 5 kilomètres quand le convoi passe la nuit à la queue leu leu dans un bief face à l’écluse suivante. Nous nous amarrons à des arbres pour la nuit mais la décision est ferme : pas la peine de continuer. Nous risquons la voie d’eau.

 

Basta est amarré au petit jour juste devant l’écluse de Chamarandes (Chaumont Sud) bout dehors presque collé au mur de pierre du pont, une amarre avant à la rampe d’un escalier de pierres glissant, une amarre arrière à un poteau enfoncé dans la berge boueuse taillé au couteau dans une des planches défoncées.

 

Ici, près du flux généré par le déversoir de l’écluse, la glace ne se forme pas. Le bateau flotte. Le paysage est plus champêtre, plus boisé. Les éclusiers acceptent de brancher notre rallonge électrique au 220 volt de l’écluse. Nous avons l’électricité à bord, donc un bon chauffage.

Passé le village de vieilles pierres de Chamarandes, l’école municipale et l’église, après avoir monté à pied une pente raide sur 500 mètres en poussant nos bicyclettes, nous arrivons sur le plateau de Chaumont. Le cyber-café est un peu plus loin. A la place de Leclerc, nous avons casino et Lidl à proximité, et un lavomatic. On est mieux ici que là-bas.

Pour attendre le dégel. La seule alternative.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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21 décembre 2007 5 21 /12 /décembre /2007 08:31
De moins 20, le thermomètre est passé à moins 13, puis moins 7 degrés… Ouf, les températures remontent un peu, mais la glace ne fond pas. 

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  Les bruines prévues avant Noël ne devraient rien y changer. Il faudrait des averses.



  A Langre, point culminant de la région (que nous n’avons pas encore dépassé) l’épaisseur de la glace ferait 10 centimètres. 


Autour du bateau, la couche mesure au moins 6 centimètres.

-DHE9413-BD.jpg

 Rituel matinal : faire gîter Basta d’un côté, puis de l’autre, afin de décoller la coque de la glace qui l’a cerné pendant la nuit. Parfois, on tire aussi sur les amarres, en avant, en arrière, mais cette méthode crée des déchirements de la calotte encore plus violents !

 Ces bruits de glace contre la coque  à l’intérieur du bateau ne laissent pas froid…

 Deux fois par jour, mieux vaut casser la croûte à l’aide d’un tube en acier en tapant ferme tout autour du bateau.

 -DHE9331-BD-copie-1.jpg

Au réveil, il faut aussi balayer la glace accumulée sur le pont pour éviter que les amas verglacent et y fassent patinoire. Pas la peine de tenter de lover les bouts : raids, ils tiennent tout seuls.

 Reste à attendre le brise-glace. Il avance vers Chaumont depuis Saint Dizier (à 80 kilomètres), tout doucement, brisant la glace au rythme d’un bief par heure. Le responsable fluvial de la zone a enfin opté pour cette solution, obligé par deux mariniers chargés voulant passer.

undefinedIl hésitait. Il y a deux ans, la manœuvre a fait deux morts. A l’époque, il est vrai, le brise-glace du canal n’était qu’une barge tirée par un tracteur roulant sur les chemins de hallage. Le tracteur était tombé à l’eau avec ses deux conducteurs, morts dans la glace… Depuis, la barge qui a été motorisée est autonome. Mais elle avance péniblement, selon le capitaine, joint au téléphone. Il ne compte pas arriver à Chaumont avant la fin de la semaine prochaine, le 26 décembre – le personnel fluvial ne travaillant ni les week-ends, ni les jours fériés.

Basta pourra-t-il alors parcourir les cent kilomètres de canal restant jusqu’à la Saône ?

 

 

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17 décembre 2007 1 17 /12 /décembre /2007 07:24
L’Arctique, c’est bien plus près de chez nous que ce qu’on voulait nous faire croire. Chaumont, vous connaissez ? Sa cathédrale, ses majorettes, son canal… Et surtout, son climat. Ici, en Chaumontique, cette nuit, le thermomètre indiquait moins 20°.

 Basta s’est amarré à la halte nautique de cette préfecture de Haute-Marne samedi soir. Cependant, la très aimable responsable de la base était alors en voyage. Dommage, les belles bornes électriques qui jaillissent de la berge comme des stalagmites ne pouvaient nous être d’aucune utilité : fermées à clé. Impossible de brancher notre petit chauffage électrique qui ne fonctionne que sur du 220 volts.

 On se souviendra donc du petit matin du dimanche 16 décembre 2007. Zéro degré dans le bateau au lever ! C’était beau ces mini-stalactites collées aux hublots à l’intérieur du bateau…

Glace-dans-Basta.jpg

Vite, au moins, allumons le four pour nous réchauffer et la gazinière pour faire un café ! Nouvelle déception : les bonbonnes de gaz, par sécurité sur un bateau, sont placées –non pas dans l’habitacle- mais dans un compartiment aéré accessible par l’extérieur, un coffre du cockpit. Or, le butane gèle. Le four et la gazinière ne marchent plus. Jean Louis Etienne et Nicolas Vanier savent bien cela, ils utilisent du propane, eux, (plus difficile à trouver).

 

A l’intérieur du Basta, ce samedi matin, nous sommes emmitouflés dans nos fourrures polaires, coiffés de bonnets et nous portons des gants en maugréant, dans l’attente du retour de voyage de l’aimable chargée de la base nautique quelques heures plus tard.

 

Lundi nous voilà bloqués.

Glace-autour-de-Basta.jpg

Oui, Chaumont, c’est beau. Sa cathédrale (Pas de majorettes en cette saison). Ce 17 décembre, alors que nous pensions redémarrer, naviguer au plus vite vers la Saône, sortir de ce canal chaumontique, le Basta est pris dans les glaces. La couche s’est épaissie pendant la nuit. Elle fait 3 centimètres d’épaisseur. Un gros pavé lancé depuis la berge ne rompt pas la surface, mais glisse jusqu’à l’autre rive… Un voisin en camping-car a sorti sa pelle pour fracasser la calotte. Il a du taper et retaper très fort pour réussir à la fêler. A l’intérieur du bateau, on entend de temps à autre, la glace frôler la coque. Ça fait d’étranges craquements… ça sonne un peu comme des déchirements…

 

Il faudra attendre un changement climatique, un réchauffement, des pluies (dimanche 23 d’après les prévisions), ou bien, le passage d’une péniche qui cassera la glace devant notre sillage. Peut-être d’ici trois jours, nous dit le service des affaires fluviales. Peut-être. Une « avalante » (qui descend le canal) se trouve encore en Saône…

 

Ah, Noël à Chaumont en Haute-Marne ! Au moins, il y a du champagne dans la région.

 

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17 décembre 2007 1 17 /12 /décembre /2007 07:14
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Paris-Notre-Dame.jpgSamedi 8 décembre, départ en fanfare, suivi par les envoyés spéciaux, Eric Julian au micro et Jessica David à la photo. Ils mitraillent. A bord, jusqu’à Joinville le pont, trois courageux équipiers (Sarah, Géraldine et Fred) ont revêtu leurs cirés. Il pleut.

  1489--C3-80-bient-C3-B4t-Fred-1-.JPG

Il va beaucoup pleuvoir pendant trois jours. 

Basta-sur-la-Marne.jpg

La Marne est en crue. L’eau est si haute que certaines écluses sont fermées. Dans ce cas, les barrages sont ouverts. Comme nous remontons le courant, nous devons les passer moteur à fond. A Mery sur Marne, il y a quatre nœuds et demi de courant contre (soit 8 kilomètres /heure). Basta franchit le flot très lentement, passant tout juste les remous.

 

Sur certains tronçons, nous activons nous même les portes des écluses et le sassement grâce à une télécommande remise par les services fluviaux. C’est moderne. Cela permet d’être autonome. De ne pas attendre pour passer. Mais la Marne charrie des troncs, des branches. A l’occasion, ces amas viennent bloquer les portes des écluses. C’est beau la machine. Mais ça ne remplace pas l’homme ! « A qui l’dites-vous ! On n’arrête pas de le leur expliquer. Ils ne comprennent pas ! », grogne l’un de nos dépanneurs. Il préférerait écluser que dépanner.

Ecluse-remous.jpg

 

A part quelques arrivées nocturnes à l’aveuglette sur des quais à faible tirant d’eau et deux ou trois talonnages, on commençait presque à s’ennuyer.

 

Jusqu’au canal qui joint la Marne à la Saône. Il rallie Vitry-le-François à Maxilly en traversant la Champagne sur 224 kilomètres. 



Il y a 114 écluses à passer dont une bonne partie s’ouvre et se vide encore manuellement. Après Joinville, les éclusiers se relaient donc pour accompagner le bateau, le suivant d’écluses en écluses, en voiture ou en mobylette. 

Eclusier.jpg

Sont sympas les éclusiers. « Vous allez à Marseille ! Dire que nous z’aut’es, on reste toujours là ! », lance le premier. Triste histoire d’un suivant : il a perdu son fils de 15 ans tombé dans l’écluse « Y m’en reste bien un autre (fils), mais vivre à l’écluse, c’est plus pareil…. » Un prochain qui veut déjeuner à midi pile, laisse le Basta en plan dans un bief sans quai pour s’amarrer. Normal, il a encore douze pères Noël à accrocher aux murs de sa maison.

Jolies petites maisons que ces bâtisses de deux étages au toit bien pentu où parfois un ou deux nains de jardin rigolent à notre passage.

Bernard, le père de Daniel, a passé sa jeunesse à celle du Pouillot sur la commune de Hume où sa mère était éclusière. Pendant une centaine de kilomètres, accompagné de Juliette sa femme, rêveur, il a tiré des bouts, il est monté à l’échelle, a mouliné avec les éclusiers –souvenirs de jeunesse : Bernard, en culotte courte, faisait des bras de fer à la manivelle avec son frère. Sauf qu’il n’a pu arriver à son écluse de Proust à cause du grand froid. « Le plateau de Langre, précise-t-il, est l’un des plus froids de France ! ». Ah bon.

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BASTA est en Bretagne...

Après 63 jours de mer depuis le Panama, Basta flotte sur la Vilaine.

Nous retapons dans le Morbihan une micro-ferme : https://microferme-bastardiere.fr/

Nous y accueillons désormais des Wwoofeurs. Venez nous aider contre gite et couverts !

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