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21 décembre 2010 2 21 /12 /décembre /2010 06:55

 

Au Mali, à Niono, dans la région de Office du Niger, nous avons rencontré Oumou. Cette paysanne qui n’a jamais été à l’école a fait de la prison avant d’être portée à la députation par la population. Le préfet l’a fait arrêter alors qu’elle lui portait une lettre de réclamation rédigée par un groupe de femmes en colère. Elles s’étaient réunies quelques semaines plus tôt et ne comptaient pas se laisser faire car leurs terres venaient d’être confisquées par les autorités au prétexte que leurs maris n’avaient pas payé la redevance en eau d’irrigation.

 

Grâce à la radio Kayira, la voix d’Oumou et celle des petits exploitants spoliés retentit à 100 kilomètres à la ronde autour de Niono, le chef lieu de l’Office du Niger.

 

A l’arrière de leur motos, les journalistes de  cette radio locale nous ont gentiment trimbalé sur les pistes poussiéreuses jusqu’aux fin fond des rizières, dans un village proche d’où est née Oumou. Les villageois, vieux et femmes compris, y ont été réprimés à coup de matraque par les gendarmes. Ces paysans sont dans le collimateur des autorités parce qu’ils ont refusé les offres de l’entreprise convoitant la terre qu’ils exploitent… Nous avons écouté leurs témoignages, émus. Ils étaient tous unis à l’ombre d’un baobab. Nos amis de radio Kayira les enregistraient avec leur outil de travail : un vieux magnétophone à cassettes.

 

radio-Kayira.jpg


Partout en Afrique, de plus en plus de gouvernements étrangers et d’entreprises transnationales achètent ou louent les terres arables. Au Mali, 100 000 hectares de terres ont été cédés à Kadhafi, à travers le groupe Malibya, sans en aviser la population locale. La construction du canal nécessaire à l’irrigation des cultures libyennes a détruit des cultures vivrières et dévasté un cimetière…

 

En marchant le long des berges du canal, avec des paysans du SEXAGON, le syndicat des exploitants agricoles de l’Office du Niger, nous sommes tombés sur un crâne humain qui affleurait… Avec la photo, nous avons fait une affiche pour le forum contre l’accaparement des terres des paysans de la région de Niono.

 

AFFICHE-1.jpg

 

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4 octobre 2010 1 04 /10 /octobre /2010 12:31

Entre les Canaries et Dakar, Basta a navigué 9 jours.

D'abord dans la pétole. Ensuite dans le grand-frais. Puis, de nouveau dans la pétole. Neuf jours de solitude à deux. Pour lire. Lire sur l'Afrique de l'Ouest, que l'on avait depuis longtemps très  envie de rejoindre à la voile. C'est fait !

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Aux Canaries, nous avions demandé à nos amis Coralie et Olivier, venus en croisière à bord découvrir l'île de Gomera, de nous amener quelques livres, parmi lesquels deux ouvrages de Stephen Smith, l'ex spécialiste de l'Afrique du journal Le Monde.

Ainsi, entre deux dorades coryphènes en sauce, entre les Canaries et Dakar, nous avons lu ceci : "Si 6 millions d'Israéliens pouvaient, par un échange standard démographique, prendre la place des Tchadiens, à peine plus nombreux, le Tibesti fleurirait et une Mésopotamie africaine naîtrait sur les terres entre le Logone et le Chari"...

Nous avions quitté Gomera juste après un coup de vent brulant venant du désert qui -par chance pour nous- avait fait tomber tous les avocats par terre... (merci Gourou Sylvain pour les bons fruits de ton jardin !) Nous avons donc pensé entre deux avocats en sauce, "Si 1 journaliste africain avait pu, par échange standard démographique, prendre la place d'un journaliste franco-américain au  Monde, les colonnes de ce journal auraient fleuries de moins de conneries dans la rubrique Afrique"...

Heureusement, la bibliothèque du bord était aussi dotée du livre d'Anne-Cécile Robert du Monde Diplomatique "L'Afrique au secours de l'occident", entre autres. Mais c'est plus tard, une fois une bonne librairie  trouvée à Dakar, que nous avons lu cette réponse à Stephen Smith du Malien Moussa konaté dans son excéllent "L'afrique noire est-elle maudite?" : "En somme voilà une nouvelle science inventée par cet auteur (stephen Smith) qui nous enseigne que la population est une entité homogène, dotée de qualités ou de défauts indépendants du temps, de l'espace et de la culture, et cela pour l'éternité. L'indigence de cette réflexion est telle qu'elle ne mérite pas qu'on s'y attarde"...

Attardons-nous tout de même un petit peu dans cet absurde...

Si les personnes vivant en France pouvaient être échangées par  celles qui vivent en Mongolie, au lieu de vivre dans des cités où l'on  crame des voitures, cette population de Français vivraient dans des yourtes et se deplaceraient sur de robustes chevaux dans les plaines. Sarko serait un grand Khan moustachu ! Et si les mongoles se prêtaient à leur tour à l'échange standard avec les Afghans,  sarko tomberait peut-être de sa monture au Buzkashi...  

DSC_8933.JPGEn parlant de Nicolas Le Petit, 23 intellectuels africains ont écrit un autre très bon livre : "L'Afrique répond à Sarkozy - Contre le discours de Dakar".  On se souvient qu'il fut dit dans ce discours " Le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire."

Mais si réellement l'homme (africain ou autre) n'était pas entré dans l'Histoire, ce ne serait pas un drame, plutôt, au contraire, une chance... échapper aux guerres, ou à l'un des nombreux camps de la mort qui jalonnent l'Histoire de l'Europe, ou encore, échapper à

l' enchainement dans des cales de navires...

 

Basta est au mouillage dans la baie de Hann, bien gardiénné, au Cercle de Voile de Dakar. Et, après la sympathique visite d'amis à Gomera,  colonie de hypies allemands, l'équipage,  à cours de lectures fraiches, est parti en vadrouille en brousse. Mali. Burkina... En bus...

Les navigations nous ont pris beaucoup de temps cette année, nous voilà enfin en reportage ! Toujours au service d'associations de lutte contre le sida pour un réseau d'ONG. Et à la rencontre d'hommes africains et de femmes africaines  qui construisent leur histoire : des paysan(ne)s du delta intérieur du Niger révolté(e)s contre l'accaparement de leurs terres... Et il y a de la répression dans l'air...

 

A Bamako, on fêtait le cinquantenaire de l'indépendance. Mais au lieu d'assister en plein cagnard à un défilé militaire controversé en présence de Kadafi et de l'ex dictateur Moussa Traoré, nous avons préféré lire sous un ventilateur l'Histoire du Mali de Modibo Keita dans le Canard Déchainé. A propos de l'éclatement de la fédération du Mali (l'union du Mali et du Sénégal d'abord envisagée), on y lit ceci : "La fédération du Mali a été cassée par un coup d'Etat, organisé, dirigé et exécuté par l'armée française sous la direction de l'ambassadeur de France qui a été nommé pour ce seul objectif. Cela est clair dans les mémoires de cet ambassadeur Monsieur Etienne Dubois Lambert, qui écrit dans son livre intitulé: "les sèves de l'espoir" les détails du coup d'Etat. En résumé, De Gaulle ne voulait pas que deux Etats se donnent la main dans le cadre de la communauté qu'il dirigeait. Il voulait que chaque Etat lui soit attaché directement. C'est ainsi que dans la nuit du 19 au 20 aout, son ambassadeur est allé voir Senghor qui avait été préparé, par lui, au cours d'un entretien qui eu lieu, une semaine avant et au cours duquel, Senghor avait donné son accord pour le coup d'Etat..."

Nous n'avions pas le souvenir d'avoir lu cette version de l'Histoire dans nos livre scolaires. Ce qui n'était pas vérifiable, n'ayant sous la main que le guide du routard Afrique de l'Ouest. On y lit ceci, une histoire un peu divergente : "République soudanaise en 1959, le Mali tente une fédération avec le Sénégal, qui échoue en raison des rivalités et des divergences de vue entre Senghor et Keïta, les dirigeants sénégalais et malien."

L'Histoire africaine est-elle assez entrée dans l'homme français ?

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29 juin 2010 2 29 /06 /juin /2010 04:12

Au Maroc, notre sujet portait sur la lutte contre le sida, un épisode supplémentaire à la série de reportages sur ce thème entamée en Roumanie pour le compte d’un réseau associatif. Préparant ce reportage, grâce au réseau wifi de la marina de Rabat, nous sommes vite tombés sur cet extrait de vidéo en libre accès sur Internet. Sur le coup, nous avons été étonnés. Etonnés très positivement :

« C’est rudement bien ce qu’ils font cette ONG marocaine ! »

A l’écran, on voyait une jeune fille voilée enfilée avec la bouche (sans les mains s’il vous plait !) une capote sur un godemiché. Il s’agissait là de l’un de ces sexes de démonstration qu’utilisent les associations de lutte contre le sida pour promouvoir l’usage du préservatif et exposer la manière de bien l’utiliser.

La jeune fille voilée – que nous avons rencontrée quelques jours plus tard à Casablanca – s’adressait à une audience de travailleuses du sexe marocaine. Elle leur disait :

« Les clients (souvent réticents au préservatif) aiment quand on leur met comme ça ».

Elle leur donnait des arguments pour négocier le port de la capote.

 

prev sida tds

 

Sauf que l’extrait de vidéo trouvé par hasard sur le Net était totalement décontextualisé. On n’y comprenait ni la vulnérabilité de l’audience de la jeune fille à la maladie, ni l’enjeu en terme de santé publique.

Au Maroc, la prostitution n’est pas supposée exister. Elle est interdite. Sauf qu’elle existe comme partout dans le monde. (13% des prostituées sont des « célibataires vierges » qui ont toujours leur hymen). Il n’est pas nécessaire d’enquêter des mois pour comprendre que pour avoir le droit d’exercer leur métier malgré tout, les prostitués versent un pourcentage sur leurs passes aux policiers…

La vidéo de la jeune fille voilée a d’abord été diffusée sur le site de l’Agence France Presse. Elle avait été réalisée par le correspondant de l’AFP à l’occasion de la 5ème conférence francophone VHI/Sida à Casablanca en mars. Le sida était enfin d’actualité. Les ONG marocaines avaient ouvert leurs portes aux médias. La jeune fille voilée ne s’était pas méfiée. Elle avait réalisé son boulot de prévention avec dévouement, comme elle le fait habituellement bénévolement.

Pour l’AFP, j’imagine que ces images étaient une sorte de scoop. L’image choc cassait à sa façon les préjugés, alors qu’on était, en France, en plein débat sur l’interdiction du port du niqab. L’agence s’est empressée de diffuser ces images peu banales. Mais l’AFP a-t-elle  auparavant pesé toutes ses responsabilités ?

La vidéo a été détournée, coupée et utilisée par ceux qu’on appelle au Maroc les « barbus ». Les extraits de la video de la jeune fille voilée et du godemiché se sont multipliés sur le Net. La presse conservatrice s’est emparée de l’affaire. Des fatwas ont été émises contre l’ONG de lutte contre le sida marocaine. La jeune fille voilée a été menacée. Elle a dû se cacher plusieurs semaines. Se faire oublier…

Elle était de retour quand nous avons effectué notre reportage. Exceptionnellement, nous avons pu photographier une séance  de prévention auprès des travailleuses du sexe marocaines. Une séance sans capotes. Sans bite. Au Maroc, montrer des préservatifs aux caméras est devenue impossible. Pour le moment.

Alors nous tirons notre chapeau à ces jeunes filles bénévoles téméraires de Casablanca. Et à ces jeunes militants rencontrés Marrakech aussi. Eux font de la prévention auprès des « hommes qui ont des relations avec des hommes » et qui se prostituent. Au Maroc, pour ceux-là c’est double peine : l’homosexualité est interdite et fermement punie de prison…

 

tanger

 

Les douaniers de Rabat, comme  ceux de Tanger, semblent avoir aimé la couleur violette du Basta. A notre départ, ils nous ont gâtés de la visite d’un chien. Pas un molosse féroce. Plutôt une sorte de Rantanplan : l’animal avait peur de sauter à bord.

« Il lui faut une passerelle » a dit le chef.

La nôtre étant au fond d’un coffre, nous lui avons répondu que nous n’en avions pas.

Puis, une fois à bord, le toutou renifleur ne voulait pas descendre dans le carré.

« Ces marches sont trop abruptes », a ajouté le sous-chef.

Daniel a dû prendre Rantanplan dans ses bras pour le poser dans le bateau où  l’odeur d’eau de javel lui a piqué le nez… Rien que de la javel ! Alors Basta, tout propre mais plein de poils de chien, a pu mettre les voiles vers les îles Canaries…

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3 mai 2010 1 03 /05 /mai /2010 16:06

Nous nous sommes retournés. Palerme était encore endormie. La lumière du petit matin éclairait la vieille tonnerie aux murs effrités devant laquelle Basta venait de passer trois mois. Alors nous avons eu une pensée pour Alex, cet héritier d’une grande famille de la bourgeoisie industrielle locale, héritier de ce magnifique bâtiment historique doté, d’un côté, d’une tour cylindrique, de l’autre, d’une église. Pendant trois mois, il nous a offert un anneau de courtoisie dans son club nautique.  Gratuit. Comme ça. Peut-être parce qu’il est francophone et qu’il aime parler le Français. Peut-être parce qu’il préfère la plongée sous-marine et la voile au bizness, comme son défunt père, sorte de Cousteau local. Ou parce qu’il se sent prisonnier de son héritage et de la gérance qu’il doit assumer (outre deux clubs nautiques, une discothèque, un restaurant..) et qu’il perçoit BASTA comme une liberté dont il rêve ?

DSCN1982 

Au dessus de ce petit port d’Arenella où  nous avons passé trois mois, le Monte Pellegrino  allait rester visible encore plusieurs heures malgré l’atmosphère embrumée. Du haut, on y voit toute la ville. Alors nous avons eu une pensée pour Palerme, son front de mer comblé avec les gravats du bombardement des Alliés de 1943 et son centre historique encore en ruine.

 

Selon Emilio, Palerme, « C’est jurassic park !» Ce que cet architecte argentin entend par ce qualificatif réside dans le fait que Palerme n’est peut-être pas tout à fait propre, parfois même, elle est carrément trash. Dinosauriens, ses responsables politiques ? Il est vrai qu’Emilio n’a pas tout à fait tort de  comparer Berlusconi à Menem ( cet ancien président argentin) ! Lui qui a fui la crise économique de son pays après 2001, quittant son quartier porteño de « Palermo » pour atterrir dans une ville éponyme où il travaille désormais comme cuisinier.

 

Selon le guide du routard : « Palerme ne s'appréhende pas d'un seul bloc. De belles églises font écho aux immeubles délabrés, de sublimes palais où le temps semble s'être arrêté contrastent avec des immeubles modernes bien moches. »

 

Palerme est surtout une ville populaire. Ici, pas de décors carton-pâte pour touristes !

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Disciple de Silvio Berlusconi, son maire, Diego Cammarata, entend faire de ce centre historique « le plus cool d’Italie ». Son projet de réhabilitation avec des capitaux de Dubaï ne résout pas les problèmes urgent de logement. Au contraire, il envisage de transformer des quartiers populaires, en infrastructures de luxe… Comme partout, on veut virer les pauvres, virer les immigrés du centre…

 

Alors nous avons eu une pensée pour notre ami Ninno, militant de toutes les bonnes causes et particulièrement actif au Comité des Sans-abri.

 

A peine avions nous débarqués dans la ville, qu’il nous emmenait au Lab Zeta, un squat autogéré. On y trouve, devant, sur le trottoir, une dizaine de tentes où logent des réfugiés Soudanais. Avant 2001, l’édifice était une école primaire qui fut abandonnée. En mars 2001, un groupe de militants l’a occupée et restaurée pour la transformer en un espace public, ouvert à tous, afin d’y proposer des activités culturelles, sociales et politiques. Aujourd’hui, on peut y trouver une bibliothèque de près de 2000 livres, des cours d’Italiens pour étrangers en coordination avec une école primaire du quartier, des séances de cinéma à prix modeste, une salle d’informatique, un marché de produits bio animé par des coopératives agricoles, des spectacles pour petits et grands et plein d’autres trucs… et surtout du soutien aux sans-papiers et des activités politiques. Après des intimidations de la mafia, un délogement par la  police, une ré-occupation soutenue par un millier de personne, le Lab Zeta survit.

 

Alors nous avons eu une pensée pour ces sympathiques soirées passées avec Ninno. Et avec sa femme Maria, une corléonaise qui a insufflé l’esprit de 1968 dans ce village alors archi-conservateur, fief de clans de Cosa Nostra. A 17 ans, cette fille du médecin de Corleone sortait avec le jeune intellectuel communiste local, futur metteur en scène de théâtre, une hérésie ! Maria a dû s’enfuir de chez elle, reprendre ses études dix ans plus tard après avoir enduré plein de petits boulots à Palerme.

 

Maria aime Basta, mais n’est pas très à l’aise sur un bateau quand le clapot se lève un peu. A la différence de Fabio, un skipper, lui aussi « antimafia » qui est venu plusieurs fois à bord avec sa femme Valeria. Tous deux ont eu le courage de monter le « punto pizzo free », une boutique qui ne propose que des produits libérés du "pizzo", le racket que la mafia impose à 80% des entrepreneurs de la ville (lire le post du 25 novembre 2008).

 

Alors nous avons eu une pensée pour Valeria. « Quand nous avons démarré, j’étais inquiète et mes parents encore plus, Mais je me suis dit qu’il ne fallait pas penser au pire, sinon on ne fait plus rien dans la vie ! » Grâce à cette philosophie, la boutique est devenue une belle vitrine du mouvement anti-racket proposant une diversité de produits. Alors, quand Valeria et Fabio ont pensé à s’unir, l’an passé, ils ont décidé de se marier « pizzo-free ». « Pas question un aussi beau jour, de financer la criminalité ! Je voulais montrer que c’est possible de dire non à la mafia et nous avons lancé pour l’occasion une agence d’organisation de mariages garantis sans racket… Robe de mariée, fleuriste, restaurant, invitation et liste de mariage, tout était Addiopizzo ! Même le voyage de noce a été acheté dans une agence "propre"  Et, le vin aussi, bien sur ! »

 

Oui, c’est vrai, que pour dire « non à la mafia », nous en avons bu, nous aussi, du vin antimafia à Palerme et que nous en avons plein la cale…

 

ANTIMAFIATOUR_06_HERARD.jpg

 

Parfaitement francophone, Valeria nous a aidé à traduire les propos de Mme Guiliano. « J’ai peur, si peur ! », disait Rosa Giuliano en regardant son garde du corps. L’homme restait stoïque dans la boutique, mais lui adressait un sourire, puis se tournait aimablement vers le mari. Car depuis quelques mois, ils ont appris à vivre ensemble 24 heures sur 24. Rosa Giuliano n’en revient pas : comment, elle et son époux, modestes boulangers-pâtissiers, ont-ils pu en arriver là ? « Avoir besoin d’une escorte, vous rendez-vous compte ? »

 

Tout a commencé quand ils ont déménagé leur commerce de quelques dizaines de mètres pour occuper un local plus adapté dans la rue qu’ils habitaient depuis des années. Une rue du quartier Brancaccio, à Palerme. Ce quartier populaire a mauvaise réputation parce que la mafia y contrôle une partie du territoire. « Un jour, deux garçons sont venus au magasin, ils ont demandé à parler à mon mari. Sur le coup, je n’ai pas compris ! », se souvient Rosa Giuliano. Encore effrayée par ses souvenirs, elle raconte : « Les deux jeunes sont revenus plusieurs fois. Ils étaient de plus en plus agressifs. "Il faut payer ! ", martelaient-ils. Ils nous demandaient 5 000 euros d’emblée. Après, il aurait encore fallu leur verser 250 euros par mois ! » Et comme les Giuliano refusaient de se plier à ce rançonnage, leur boulangerie a été menacée à main armée. Rosa et son mari ont alors surmonté leur peur pour aller porter plainte au commissariat. Mais quelques jours plus tard, un scooter a pilé devant la camionnette de M. Giuliano arrêtée à un feu rouge et les menaces de mort ont fusé par-dessus sa vitre baissée. « C’est à ce moment là que la police nous a octroyé une escorte pour nous protéger… Une pour deux », soupire la boulangère. Elle doit rester seule à la boulangerie toutes les matinées, car le garde du corps accompagne son mari dans ses démarchages commerciaux. Tous les matins Rosa sert donc seule le pain l’estomac noué. Et tous les matins, elle retient sa colère. D’abord parce que des anciens clients pressent le pas devant la boutique : ils ont changé de boulangerie. « Rares sont ceux qui nous encouragent », regrette-t-elle. Ensuite, parce que Rosa trouve insupportable l’idée que les autres commerçants du quartier paient la mafia.

Alors que Palerme se faisait toute petite, nous avons eu une dernière pensée pour ce sympathique militant qui, à la fin d’une passionnante visite de la ville sous son aspect « antimafia », nous a confié : «  Si j’en avais la possibilité, je quitterais Palerme ».

 

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31 décembre 2009 4 31 /12 /décembre /2009 05:01

Bonne-annee-2010.jpg

Pour une annee 2010 jalonnee de jolis chemins de traverse...

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BASTA est en Bretagne...

Après 63 jours de mer depuis le Panama, Basta flotte sur la Vilaine.

Nous retapons dans le Morbihan une micro-ferme : https://microferme-bastardiere.fr/

Nous y accueillons désormais des Wwoofeurs. Venez nous aider contre gite et couverts !

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