Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
24 janvier 2009 6 24 /01 /janvier /2009 15:32

Quand Daniel s’est arrêté dans ce petit bar de Syracuse, c’est peut-être parce qu’il a été attiré par les photos accrochées au mur : des images en noir et blanc de Scianna, un fameux photographe sicilien de l’agence Magnum.

Bien vite, plus qu’amateur de photos, A., le barman et patron du lieu, s’est avéré féru de ciné, d’histoire, de politique et aussi – heureusement pour nous – francophone et francophile.

C’est ainsi que A. nous a assisté activement dans une longue enquête sur les services publics postaux dès notre arrivée en Sicile : « C’est du Simenon ! », disait-il. Nous n’avions pas reçu un colis envoyé depuis la France en Chronopost à 55 euros le port, contenant nos deux nouvelles Cartes bleues suite à l’expiration en même temps des deux anciennes… (La poste, le saviez-vous, soustraite pour ce service la boite de courses internationales TNT… Mais nul ne peut expliquer, même pas A. après son enquête, pourquoi le colis en question est arrivé au dépôt d’UPS… Entre temps nous avions fait opposition… Vive l’ersatz de service public restant !)

Ces jours-là, nous n’avions pas un sou faute de cartes, pour boire un coup chez A. Pour le remercier, nous avons décidé de nous rattraper.

Au départ, le soir, au bar, A. adore nous parler de Carla (Les Italiens en général parlent aux Français avec curiosité et ironie de la femme de Sarkozy). Mais A. a ce petit plus : il imite à merveille la monotonie des airs niais de la première dame de France. En bons patriotes, nous sommes donc venus boire de la bière chaque soir dans ce lieu où l’on sait apprécier ce qui arrive encore à faire monter la cote de popularité de son sous-Berlusconi de mari.

Et parfois, A. m’envoie acheter la bière que nous voulons boire à l’épicerie d’à côté, chez la commère du coin qui lui taille une sale réputation d’homo fétard anti-Berlusconi !

Il faut répéter que nous sommes à Syracuse, une ville historique de 150 000 habitants, qui se revivifie le jour de la procession de la sainte Lucie,  où la bibliothèque municipale dans laquelle je vais à l’occasion travailler semble moins achalandée que celle de la banlieue d’Angers de 15.000 habitant où vit ma mère. Ce grand vide culturel est sûrement ce qu’il y a de plus affligeant en Sicile (après la mafia… mais ça va avec !)

En buvant cette bière du soir, nous lisons les quotidiens du coin. Immanquable : la météo ! Où il fait toujours beau. A. est persuadé que le temps annoncé est le temps souhaité…

L’autre rubrique sur laquelle nous nous ruons est très « people » à sa façon. A. dit qu’il s’agit là des « stars du jour ». A l’occasion, telle une groupie, je découpe le portrait de cette étoile locale.

 
article-syracuse-presse.jpg
Comme la photo de Paolo, un djeun du cru arrêté avec 3 grammes de shit dans sa bagnole. Les Carabinieri de Syracuse, heureux de tenir entre leur main ce gros poisson, ont été fouillé dans sa chambre et ont trouvé 6 grammes supplémentaires. Moi je dis : le bagne ! Il faut au moins ça à ce Sicilien à peine majeur, des fois qu’il aurait l’idée d’aller concurrencer les têtes de Cosa Nostra alliée aux politicards du coin qui, elles, font moins dans la dentelle.

Puis comme A. est vite devenu un vieux poteau, las de son goût nostalgique de quarantenaire pour un certain rock soft des eighties, nous avons chargé notre musique sur une clé USB dans son ordi… Et là, le flash ! A. s’est mis à reprendre : « Je suis cooooooooooonnnnnnnnnnnnnnnne ! » C’est vrai : il ne sait pas passer l’aspirateur. Et A. a probablement manqué son évolution spirituelle, comme le chante Brigitte Fontaine… Mais peu à peu, le bar s’est vidé… et  A. s’est dit qu’il fallait arrêter avec Brigitte.

Alors sont arrivés au mouillage, à côté du Basta, deux Bretons à bord d’un catamaran. La classe : un cata de régate qui file à 25 nœuds… Nous les avons emmené au Bar. Deux jours plus tard, pour fêter leur départ, ils amenaient plusieurs cubis d’un petit vin sicilien et des pizzas magnifiques. Ce soir là, vers minuit, A. a embarqué avec eux jusqu’à Palerme pour son baptême de mer. Ni Carla, Ni Brigitte. Le cata a mis les voiles avec Manu à donf. Manu Chao.

Notre ami sicilien A. est revenu de cette aventure plus français que jamais, coiffé qui plus est d’un bonnet de marin… Et au bar, à partir de son retour, nous avons écouté Tri-yann et dansé la bourré sur du folklore irlandais…

Jusqu’à l’arrivée dans la baie d’un autre catamaran français. Pas du même type. A bord, un jeune pêcheur Breton et un Suisse, venus de Martinique, pour convoyer ce rafiot peu rassurant depuis la Grèce jusqu’à ce DOM…

Et rapidement, le bar de A. s’est mis à diffuser Didier Super : « Les Bretons sont tous des enculés ! Ils nous font chier avec leurs binious… ! »

A. est devenu persuadé que les Bretons sont tous des enculés, au point qu’il voulait même vendre son bar de Syracuse pour ouvrir un resto sicilien « spaghettis/moules » à Douarnenez …

Puis le cata en question a coulé, au mouillage après avoir chassé dans un coup de vent (il était fait de planches cloutées…) Une chance pour les convoyeurs : ils ont quitté la Sicile en avion (et en vie).

A Syracuse, la procession de la Sainte Lucie est passée dans l’autre sens.

Nous sommes repartis dans notre petit hôtel de Palerme : une commande d’un hebdo national  sur le mouvement antimafia.













Avec tout ça, Noël, le nouvel an, trois mois se sont écoulés en Sicile.

Il y aura bientôt une fête d’adieu où l’on ne diffusera pas Carla. Mais Brigitte.


 

Partager cet article
Repost0
25 novembre 2008 2 25 /11 /novembre /2008 13:39

Si on nous avait raconté cette scène vue dans une rue de Palerme alors que nous étions assis à la terrasse d’un bar, on ne l’aurait pas cru. J’aurais dit à cet hypothétique conteur :

« Allez, arrête un peu de déblatérer tant de clichés ! » Mais Palerme, dans cette rue, n’est que clichés. Cliché de la Sicile. Imaginez la ruelle d’une vieille ville méditerranéenne bordée de bars dont les tables et les chaises gênent l’entrée des immeubles et la circulation des véhicules. On sert dans ces lieux bruyants surtout fréquentés des étudiants de grandes bouteilles de bière Moretti à 1,5 euros et des Panini salami à 1 euro en promo. Celui qui n’est pas trop regardant sur la netteté de la cuisine, peut consommer-là victuailles et breuvages jusqu’à plus soif. Mais ce n’est pas tant l’abus d’alcool qui est caractéristique de cette rue de Palerme, bien qu’un ou deux larrons la traversent en titubant à l’occasion. C’est « the » patron, le « boss » du coin.

L’homme est un quinqua bedonnant très peu discret dans son pantalon de toile rouge, sa chemise blanche ouverte sur un torse velu où scintille un médaillon en or à l’effigie de la sainte vierge comme le porte beaucoup de Siciliens. Il semble omnipotent, crie vers l’autre bout de la rue interpellant un barman plus bas, puis un autre plus haut. C’est simple : la rue lui appartient. D’abord, il parle avec de grands gestes tout en étant suspendu à son téléphone portable. Puis il place un immigré indien bredouillant l’Italien devant un stand de cacahouètes à un euro le paquet. Il lui crie dessus, l’envoie chercher des chaises pour la terrasse d'un bar dont l’immigré n’a visiblement rien à faire, comme s’il s’agissait là d’un tribut pour pouvoir obtenir le droit de placer sa charrette à cacahouètes. A peine l’Indien est-il revenu avec deux chaises, qu’il doit repartir en chercher deux autres, puis doit en ramener parce qu'il y en a trop, et puis non, il en faut finalement une autre. Et le boss de gesticuler au milieu de la rue, d’interrompre ses cris sur l’Indien pour une brève conversation téléphonique jusqu’à ce qu’un scooter pile devant lui. Son conducteur lui tend alors un autre téléphone qu’il empoigne. Le voilà qui vocifère de nouveau deux ou trois ordres, le rend à son possesseur qui redémarre en trombe. L’indien s’est déjà vu relancer l’ordre de déplacer d’autres chaises. Il paraît de plus en plus gêné. Il reste impuissant, humilié.

  autocollant-addiopizzo-blog-BD.jpg

Et nous pensons en le regardant, nous qui venons de rencontrer pendant 4 jours des militants antimafia luttant notamment contre le

« pizzo », ce racket encaissé par Cosa Nostra, que cet immigré - qui plus est – pourrait bien le payer. 80% des commerçants de Palerme verse à la mafia un pizzo. Rien que dans cette province, alors que la pratique est généralisée sur toute l’île, la valeur extorquée s’élevait à 220 millions d’euros en 2006, soit l’équivalent de 175 euros par habitants. Mi novembre, comme dans un mauvais film, le président des industriels d'Agrigente où un mouvement antipizzo s’initie chez les entrepreneurs, a reçu un sinistre colis : un cercueil miniature surmonté d’une croix… (Notre reportage devrait s’intituler « Le cran des Siciliens »). Rentrés à l’hôtel, encore troublés par cette scène, nous allumons la télévision de notre chambre. Le canal sicilien montre un débat dans le parlement local visiblement axé sur la mafia. Les élus s’empoignent verbalement entrecroisant les mots « mafia » et « antimafia ». Le flash info qui suit montre l’arrestation d’une poignée de truands qui avaient kidnappé un entrepreneur pour le rançonner. Plusieurs voitures venaient aussi de s’enflammer. Encore la mafia. Alors, pour tenter de se changer les idées, nous avons zappé sur une chaîne nationale. Berlusconi y faisait un discours en Russie durant lequel il qualifiait le nouveau président élu des Etats-Unis « de jeune, beau et bronzé ». Sidérés, nous avons encore zappé. Sur le téléachat italien, un type en mise en plis grisonnante du genre perruque de Louis vendait des diamants… Nous nous sommes endormis, cette nuit-là, sourire aux lèvres, en se disant, qu’au pays de Berlusconi, mieux valait rire que pleurer.

Partager cet article
Repost0
21 août 2008 4 21 /08 /août /2008 01:48

C’est ce que nous a dit le capitaine de ce petit port de pêche marocain en grinçant des dents. Car, ici, il n’y a rien à facturer, ni eau, ni électricité et visiblement cela le fait rager.

 

Une trentaine de barques et quelques petits sardiniers pêchant au lamparo sont amarrés derrière une digue à peine protégée des vents de Nord Est. Quand ils soufflent fort, les vagues déferlent dans le chenal d’entrée l’ensablant encore plus. Les feux rouge et vert marquant cette entrée délicate pour un quillard sont en panne. Le phare qui surplombe le cap aussi. Bref, c’est un port très très gratuit où nous avons passé trois semaines jusqu’au 8 août. Une escale studieuse à écrire des articles, à légender des photos, à mettre en cause les conditions de travail des ouvriers agricoles dans les fermes du roi au nez des vedettes de la marine royale amarrées sur le même quai.

 

L’une des barques du port appartient à un Français portant un nom digne d’un personnage de BD. Une fois nos ordinateurs éteints, nous passons notre temps à discuter avec lui. Pour préserver sa vie privée nous l’appellerons Gaston. Cinquantenaire, ex patron d’une PME, il a tout vendu, tout plaqué, après un infarctus. « Trop de stress », explique-t-il. Gaston est venu s’installer ici, où il a fini par se marier. Il pêche maintenant en mer avec son beau-père. En se mariant avec une marocaine du bled, il a, par la même, épousé sa famille. « La moitié des gens du village sont des cousins ! », rigole-t-il.

 

 

 

Comme Gaston a sa réputation à préserver dans ce petit univers clos, nous lui servons un breuvage rouge raisin dans des verres en inox, en poussant parfois le bouchon un peu plus loin : nous posons la théière au milieu de la table de cockpit où les gâteaux d’apéro prennent une allure de biscuits anglais aux yeux des passants, éventuels cousins.

 

Si personne, officiellement, ne boit d’alcool dans ce port et qu’aucun bar, aucune épicerie n’en vend effectivement, en revanche, les odeurs de haschich émanent des terrasses de café le soir. Le Rif, premier producteur mondial de kif, tapisse le paysage de fond. Sur une rivière voisine, sont amarrés de grands zodiacs rapides. En mer, à l’aube, Basta en a déjà croisé, de couleur foncée, avec des équipages habillés de noir, naviguant sans feux, à plusieurs dizaines de nœuds. Ils larguent en route leurs bidons d’essence dès qu’ils sont vides. Dans ces eaux, on en trouve souvent à la dérive.

 

Le gasoil ne vaut que 40 centimes d’euros. C’est du carburant de contre-bande qui vient tout droit d’Algérie, à une trentaine de kilomètres de là. D’ailleurs, il n’y a plus de station service. Elles ont toutes fermé concurrencées par les contrebandiers. Gaston nous en a présenté. Nous avons fait le plein.

 

Chaque jour, il nous conte un morceau de vie de sa nouvelle société. Notre regard sur le Maroc, ici, transite par l’expérience insolite de cet homme attachant.

 

Un jour, la grand-mère de sa femme est morte, celle qui vivait dans la montagne. « Ben, faut pas tomber dans le coma ! », a lancé Gaston s’apprêtant à embarquer une douzaine de membres du clan dans sa Kangoo pour l’enterrement. Décédée à 13 heures, la vieille était entérée à 16 heures après qu’un imam de la mosquée ait taté son poul. Un autre jour, un cousin déjà marié a présenté sa nouvelle fiancée à la famille. Gaston s’étonnait d’être le seul à faire la gueule. « Si c’est ça, moi aussi je vais prendre une seconde femme ! », tentait-il, provoquant sa belle-famille impassible. Gaston se confronte à son intégration remettant en question ses anciennes certitudes sous nos yeux. Débordé par le doute de ses choix, il vacille parfois, craignant de s’être de nouveau aliéné. Mais de quelle liberté parle-t-il ? De celle de ces deux quinqua européens de l’Est expatriés dans ce bled ?

 

Nous débarquons chez eux un soir, par hasard. Ils nous présentent deux subsahariennes aux corps d’athlètes. Elles ont vingt ans. « Des élèves ! », prétendent-ils bien que cela soit difficile à croire dans cette ambiance houellebecquienne où des mains effleurent des fesses. Ils boivent verre sur verre, resservant leurs hôtes après chaque gorgée à peine ingurgitée. La télévision bloquée sur un canal « nostalgie » diffuse de vieilles émissions de variété de Drucker à tue tête. Il faut, pour s’entendre, crier plus fort que Mireille Mathieu. Ce qui est impossible. Ces deux là se sentent libres, d’autant qu’ils n’ont même pas à payer. Les critiquer c’est faire preuve d’une morale du XIXème siècle, parait-il. « Elles sont majeurs, non ? »

 

Et nous pensons à Gaston, à sa liberté, à son choix de se marier qui semble alors si moderne, même si parfois nous avons du mal à l’en persuader.

 

Partager cet article
Repost0
25 mai 2008 7 25 /05 /mai /2008 06:02
C’est ainsi que débute le dépliant touristique de Melilla, enfin, en inversant les mots avec un petit ton Sarkozyste inspiré du discours de Dakar…


Oui, Melilla est un trait d’union bien tracé par des fils de fer barbelés : un trait continu en quelque sorte.

 

D'après vous, quel est le côté
euro-
péen ?






Melilla, c’est vrai, c’est exotique ! On y trouve, par exemple, la seule statue de Franco non déboulonnée.


Connaissez-vous d'autres scultpures du grand homme sur la voie publique espagnole ?
Original : un camping en pleine ville, bien qu’on a souvent vu cela aussi à Paris ! Ici, il s’agit d’une vingtaine d’Algériens sans papiers en grève de la faim parce qu’ils sont coincés dans ce cul de sac de l’Europe-forteresse, depuis plusieurs années.

 

Dans le vieux fort où l’on peut déambuler sur les remparts de l’unique micro-zone touristique de ce petit morceau d’Espagne, le promeneur longe sans le savoir une bâtisse fortifiée où sont enfermés les mineurs délinquants : entre deux musées, les autorités ont placé la prison pour enfants.

 
Combien d'enfants peut-on entasser dans ce bagne ?

En longeant la côte, passées deux criques de galets jonchées d’ordures échouées, on pouvait, il y a quelques jours encore, rencontrer Younes, un gamin marocain de 17 ans.

Younes adorait dessiner face aux vagues de la Méditerranée. Je lui avais amené des feuilles et un crayon à papier. « J’essaie d’oublier mes problèmes », soupirait-t-il. A marée haute, les embruns éclaboussent l’étroit goulet qui forme l’entrée de la caverne
où il avait établi domicile.

Ce trou dans lequel il a casé un vieux matelas surplombe le niveau de la mer de plusieurs mètres. Il devait escalader la falaise pour aller y dormir. La Guardia civil espagnole savait qu’il habitait là et l’administration de Melilla ne s’en émouvait pas :
elle l’abandonné à la rue, sans papiers.

Combien de mètres escaladait-il chaque soir ?


Son histoire a fait la une du Courrier de Genève. L’attaque de l’article que nous venons de publier est le témoignage de Younes : « Je suis arrivé à Melilla à la nage, de nuit. J’ai nagé une demi-heure depuis le port voisin marocain. Il y avait un autre enfant avec moi, mais le pauvre est mort. Il ne nageait pas assez bien. Il avait 11 ans. Moi j’en avais15

Plutôt que de risquer naufrage en Méditerranée dans une barcasse, ce jeune nageur a préféré tenter sa chance dans ce bastion de l’exotisme. Une fois sauf, il s’est blotti dans la caverne. Il y a vécu un an, survivant de mendicité, avant d’être placé en foyer. « En 2006, je suis rentré au centre d’accueil. J’y suis resté un an. J’ai été battu de nombreuses fois. Il y a trois mois, j’ai dû en partir et revenir dans la caverne, car ils disaient que j’avais 18 ans. Mais en vrai, j’ai 17 ans : quand je suis arrivé à Melilla, ils m’ont donné un an de plus. » Younes a été expulsé depuis quelques jours. Il vit maintenant dans le rue de l’autre côté du trait d’union entre l’Europe et l’Afrique.

A Melilla, heureusement, il y a José et sa femme, un couple d’enseignants généreux qui défendent les droits des enfants marocains, les droits des immigrés en général. Mais José et Maïté sont persona non grata. Ils ont tout enduré : boycott économique, filatures, mises sur écoute, menaces de mort.

 

Alors, le soir, pour se détendre, après avoir passé du temps avec José, l’équipage du Basta écoute son nouveau chanteur préféré, celui que l’incorrigible Karine, de séjour à bord, lui a fait découvrir : l’immanquable Didier Super !
Ou alors, nous déconnons avec les nouveaux voisins de bateau, des Belges à la quête du bonheur autour du monde à la vidéo.

Melilla, port plus exotique que moderne : une digue détruite, aujourd’hui immergée, est non seulement mal signalée, mais pas indiquée sur les cartes marines. L’autre bateau voisin en a fait les frais. Ce couple franco-allemand voyageant en voilier y a coulé en quelques minutes. Puis, ils ont passé deux années à sec au carénage à colmater et retaper leur voilier Moe Moea .

Avant leur remise à l’eau, il y a quelques semaines, ils ont invité tous leurs amis de Melilla (il y a tout de même des gens sympas) à dessiner sur leur coque fraîchement repeinte en jaune. Nous y avons inscrit cette phrase le long de la ligne de flottaison :

« Le mer c’est comme un hurlement géant qui ne s’arrêterait pas de crier : bande de cons, la vie est immense ! »

 

Combien de litres de peinture a-t-il fallu pour décorer ce beau yacht ?

Demain, à l’aube, nous laisserons Basta au ponton de ce port exotique pour environ un mois. Nous prendrons l’autobus, vers le Sud-Ouest du Maroc, le pays berbère.

En route pour une enquête économique entre développement durable et gros intérêts industriels sur fond de guéguère de brevets sur le vivant ! En route vers la modernité du Maroc !

Si vous trouvez la réponse à toutes les questions, vous gagnez un séjour dans le village vacances de la capitale européenne de l'exotisme :

Partager cet article
Repost0
2 avril 2008 3 02 /04 /avril /2008 09:19

A bord du Basta, l’autogestion régit la vie à bord. Mais quel système de prise de décisions adopter ? : à deux quelle voix compte ? Qui fait la vaisselle ? à deux, quel consensus ? Qui fait la popote ? Parfois, il faut plutôt se tourner vers un vieux mode grec de démocratie par tirage au sort : la clérocratie, basée sur le hasard. C’est alors le règne du « trou » : « trou ce sera toi qui fera la vaisselle et la popote… » Inconvénient : le hasard fait bien ou mal les choses. Qui plus est, ça dépend pour qui !

 

Barcelone.

Certes, une arrivée marquée par les fantômes de Franco (premiers jours : l’affaire de la police maritime ; juste après : les flics ont failli confisquer l’une de nos bicyclettes parce qu’elle était cadenassée à un poteau, et non à un vrai garage à vélos…). Par la suite, ouf !, ce sont plutôt les rejetons du POUM qui ont marqué notre séjour…

 

D’abord, le Parti Populaire (de droite) n’a pas reconquis le pouvoir, le laissant aux socialistes. Le même jour que nos municipales, en effet, les Espagnols votaient pour leurs législatives. En démarrant notre approche de la Catalogne par la rencontre d’un militant homosexuel, nous avons compris que les socialos ou le PP, ce n’était pas la même chose. Nous avions vu presque tous les films d’Almodovar. Pourtant, se rappeler que l’homosexualité était interdite en Espagne jusqu’en 1980, que les gays, sous Franco étaient emprisonnés et soumis à une thérapie de l’aversion par stimuli électriques, que des homos ont combattu pour leur dignité dans la clandestinité il y a si peu d’années… Et que le PP voulait leur retirer ce qu’ils ont enfin gagné : le droit de se marier, de s’aimer sans se cacher. Le portrait de Jordi est à lire dans REGARDS au mois d’avril.

 

 

 

L’équipage du Basta qui n’a pu participer à la claque électorale de l’UMP aux municipales, dans un beau geste démocratique, vote à son tour, mais virtuellement et, tant qu’à faire, pour des listes imaginaires : bulletin AUTOGESTION ou CLEROCRATIE ?

 

Durant notre séjour, Barcelone inaugurait son TGV à Madrid. Grande nouvelle ! Bientôt, le TGV à la frontière française ! Chouette, penserez-vous ! Mais à quel prix ? (aux deux sens de l’expression). Les aménagements condamnent des logements, parmi lesquels un bâtiment : le Centre social autogéré Can vies (maison de la voie [ferrée] en catalan). Can Vies est une maison « okupée », avec un « K » comme l’écrivent les squatteurs barcelonais. C’est l’un des fameux squats de la ville qui fait office de centre culturel alternatif autogéré par une assemblée populaire.

 

Il est 20 heures, ce soir là. L’assemblée se réunit autour d’une table cernée de graffiti, d’affiches militantes et d’un tableau noir où s’affiche le calendrier d’activités. variées, entre culture et politique : répétition de groupes de rap, cours de théâtre, danse, atelier de sérigraphie, rédaction d’un journal gratuit de contre-informations, réunions syndicales… Les « Okupas » de Can Vies financent le fonctionnement, l’entretien du centre social et l’édition du journal grâce à l’organisation de concerts. Autogestion rime avec autonomie.

 

 

L’assemblée, ce soir là, réunit une vingtaine de participants de 20 à 30 ans, le doyen ayant une soixantaine d’années. De tradition libertaire, elle ne vote pas à la majorité, mais discute jusqu’au consensus, ne croyant pas à la majorité par respect des minorités. Alors les sujets s’enchaînent parfois jusque tard dans le nuit. D’abord, les campagnes à mener : le « débaptisage », c’est le plus âgé de l’équipe qui lance l’idée. « Autant en profiter pour demander à l’Eglise de rayer nos noms de leur liste de façon collective en mobilisant tous les gens du quartier devenus athés ! » Adopté ! Point suivant : Lancement d’une réflexion collective sur les questions de genre. L’idée de ce thème est née après un incident dans le centre : un homme ayant agressé verbalement une femme. Un texte circule. A discuter. « Mais arrive-t-on toujours au bout à de nos engagements ? », lance un pragmatique débouchant sur une nouvelle proposition : étudier les archives de l’assemblée (à chaque réunion un secrétaire volontaire prend des notes) afin de revenir sur les décisions non menées à bien. Puis, il faut organiser des équipes volontaires pour la rénovation du bâtiment. Egalement, soutenir la commission juridique qui a débouté l’entreprise de transport ferroviaire au tribunal contre le délogement du squat. Une victoire provisoire. Qui a dit que l’autogestion c’était le bordel ?

 

Si l’équipage de Basta a été accepté dans ce cercle - un cercle qui se méfie des infiltrations de RG - c’est parce qu’il a été introduit par Hernan dont vous pourrez lire le portrait dans REGARDS au mois de mai. Hernan tient la coopérative-librairie Ciutat invisible linkavec quelques associés. C’est une excellente adresse : on y voit en vitrine un excellent livre : « Argentina Rebelde, un laboratorio de contra-poder »

 

 

Hernan : « Je ne veux pas travailler pour payer un logement. Pourquoi pas pour respirer ! Payer un logement c’est avoir un contrat de travail fixe, un bulletin de salaire qui t’oblige à rentrer dans une machinerie, à baisser la tête, à accepter une vie que tu refuses. De l’esclavage ». Hernan a crée son emploi dans sa coopérative où il alimente un centre de documentation sur les mouvements sociaux de Catalogne. Il touche un tout petit salaire, mais vit comme il l’entend, squattant un logement à Can Vies.

 

Autogestion et autonomie, aventi ! Le 27 mars, Basta a mis les voiles entre deux coups de vent vers l’archipel des Baléares. Son équipage va expérimenter ces belles théories. Objectif : une semaine en autosuffisance dans la crique de Turqueta à Minorque.

 

 

C’est bon l’autogestion ! Mais qu’importe le mode de prise de décisions quand il s’agit d’autonomie : la pêche semble plutôt dépendre du hasard…

 

Petit encadré pratique : la bonne soupe de pêcheur à la Bastarde

 

Prenez deux ou trois girelles, dorades et rouquiés pris au filet ou au fusil en plongée sous-marine. Coupez les en morceaux. Plongez les dans une cocotte remplie d’une brique de sauce tomates Lidl. Ajoutez toutes les épices qui vous tombent sous la main. Faire cuire à petit feu. Et mettez ce que vous ne mangez pas au dîner en conserve. Pour l’autonomie à venir.

Partager cet article
Repost0

BASTA est en Bretagne...

Après 63 jours de mer depuis le Panama, Basta flotte sur la Vilaine.

Nous retapons dans le Morbihan une micro-ferme : https://microferme-bastardiere.fr/

Nous y accueillons désormais des Wwoofeurs. Venez nous aider contre gite et couverts !

https://wwoof.fr/host/6386-La-Bastardiere

Rechercher

A propos des auteurs

Pour connaître notre démarche,  lisez ça !

 

Consultez nos articles de presse ou podcaster nos reportages radio  : https://cecileraimbeau.wordpress.com/

 

Découvrez notre premier périple de jeunesse sur notre voilier de 6m50 le "Bourlingueur", relaté dans deux numéros de Voiles et Voiliers de 1995 ici et .

Archives

Contacts :

bateaubasta@gmail.com

Facebook-messenger : Cecilia Bastarde

Rubriques