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19 avril 2008 6 19 /04 /avril /2008 15:09

J’ai calqué notre route maritime sur une feuille, puis j’ai tourné la feuille. J’ai obtenu le profil d’un visage doté d’un front et d’un nez bien saillants. Cette route zigue-zaguante, c’est celle qui est tracée sur notre carte marine et qui  relie Mallorca à l’endroit où nous avons accosté cinq jours après avoir quitté les Baléares : Melilla. Pourtant, seuls environ 360 milles nautiques ( 650  km) séparent ces deux points. En ligne droite, nous aurions du mettre 3 jours.

 

 

halo-BD.jpg



Mais nous naviguons en Méditerranée : d’abord vent de sud-ouest, puis de nord, passant au nord-est, puis à l’est en passant par le sud etc… Le tout avec différentes forces de vents allant de la pétole au grand frais officiel agrémenté de rafales bien plus puissantes. Généralement dans ces conditions, la mer est contraire au vent et forme une sorte de marmite bouillonnante, parfois couverte d écume. Dans ce cas, le marin se dit toujours à un moment : « Mais faut être dingue pour prétendre aimer ça ! »

 

Nous devions arriver avant le 17 avril à bon port, date à laquelle commençait le festival de musique soufi de Fes que Daniel s’était engagé à couvrir pour un quotidien espagnol, avec et grâce à l’ Incorrigible journaliste Karine.



Nous sommes arrivés le 16. Daniel serait arrivé à la nage de toute façon s'il avait fallu.

Basta est donc amarré à la marina de Melilla, enclave espagnole au Maroc de 20 km2 cerclée de barbelés.
Pas de soucis de vol : un flic tourne en permanence autour de la marina passant toutes les 10 minutes devant le bateau. Il sassure que des immigrés clandestins n'arrivent pas à la nage dans le port. Drôle de bled où l’on ne sait plus trop qui est enfermé derrière les barbelés (?)

 
Pour l’équipage du Basta, c’est un nid de sujets et une base pour partir en reportage au Maroc. Ce pays est juste là, à trois coups de pédale en vélo. Derrière la frontière, ça grouille de Marocains, d’Africains. Ils commercent, trafiquent, survivent, tentent de passer dans ce premier monde qui marche de travers…

 

 

 

 

 

 

 

 

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2 avril 2008 3 02 /04 /avril /2008 09:19

A bord du Basta, l’autogestion régit la vie à bord. Mais quel système de prise de décisions adopter ? : à deux quelle voix compte ? Qui fait la vaisselle ? à deux, quel consensus ? Qui fait la popote ? Parfois, il faut plutôt se tourner vers un vieux mode grec de démocratie par tirage au sort : la clérocratie, basée sur le hasard. C’est alors le règne du « trou » : « trou ce sera toi qui fera la vaisselle et la popote… » Inconvénient : le hasard fait bien ou mal les choses. Qui plus est, ça dépend pour qui !

 

Barcelone.

Certes, une arrivée marquée par les fantômes de Franco (premiers jours : l’affaire de la police maritime ; juste après : les flics ont failli confisquer l’une de nos bicyclettes parce qu’elle était cadenassée à un poteau, et non à un vrai garage à vélos…). Par la suite, ouf !, ce sont plutôt les rejetons du POUM qui ont marqué notre séjour…

 

D’abord, le Parti Populaire (de droite) n’a pas reconquis le pouvoir, le laissant aux socialistes. Le même jour que nos municipales, en effet, les Espagnols votaient pour leurs législatives. En démarrant notre approche de la Catalogne par la rencontre d’un militant homosexuel, nous avons compris que les socialos ou le PP, ce n’était pas la même chose. Nous avions vu presque tous les films d’Almodovar. Pourtant, se rappeler que l’homosexualité était interdite en Espagne jusqu’en 1980, que les gays, sous Franco étaient emprisonnés et soumis à une thérapie de l’aversion par stimuli électriques, que des homos ont combattu pour leur dignité dans la clandestinité il y a si peu d’années… Et que le PP voulait leur retirer ce qu’ils ont enfin gagné : le droit de se marier, de s’aimer sans se cacher. Le portrait de Jordi est à lire dans REGARDS au mois d’avril.

 

 

 

L’équipage du Basta qui n’a pu participer à la claque électorale de l’UMP aux municipales, dans un beau geste démocratique, vote à son tour, mais virtuellement et, tant qu’à faire, pour des listes imaginaires : bulletin AUTOGESTION ou CLEROCRATIE ?

 

Durant notre séjour, Barcelone inaugurait son TGV à Madrid. Grande nouvelle ! Bientôt, le TGV à la frontière française ! Chouette, penserez-vous ! Mais à quel prix ? (aux deux sens de l’expression). Les aménagements condamnent des logements, parmi lesquels un bâtiment : le Centre social autogéré Can vies (maison de la voie [ferrée] en catalan). Can Vies est une maison « okupée », avec un « K » comme l’écrivent les squatteurs barcelonais. C’est l’un des fameux squats de la ville qui fait office de centre culturel alternatif autogéré par une assemblée populaire.

 

Il est 20 heures, ce soir là. L’assemblée se réunit autour d’une table cernée de graffiti, d’affiches militantes et d’un tableau noir où s’affiche le calendrier d’activités. variées, entre culture et politique : répétition de groupes de rap, cours de théâtre, danse, atelier de sérigraphie, rédaction d’un journal gratuit de contre-informations, réunions syndicales… Les « Okupas » de Can Vies financent le fonctionnement, l’entretien du centre social et l’édition du journal grâce à l’organisation de concerts. Autogestion rime avec autonomie.

 

 

L’assemblée, ce soir là, réunit une vingtaine de participants de 20 à 30 ans, le doyen ayant une soixantaine d’années. De tradition libertaire, elle ne vote pas à la majorité, mais discute jusqu’au consensus, ne croyant pas à la majorité par respect des minorités. Alors les sujets s’enchaînent parfois jusque tard dans le nuit. D’abord, les campagnes à mener : le « débaptisage », c’est le plus âgé de l’équipe qui lance l’idée. « Autant en profiter pour demander à l’Eglise de rayer nos noms de leur liste de façon collective en mobilisant tous les gens du quartier devenus athés ! » Adopté ! Point suivant : Lancement d’une réflexion collective sur les questions de genre. L’idée de ce thème est née après un incident dans le centre : un homme ayant agressé verbalement une femme. Un texte circule. A discuter. « Mais arrive-t-on toujours au bout à de nos engagements ? », lance un pragmatique débouchant sur une nouvelle proposition : étudier les archives de l’assemblée (à chaque réunion un secrétaire volontaire prend des notes) afin de revenir sur les décisions non menées à bien. Puis, il faut organiser des équipes volontaires pour la rénovation du bâtiment. Egalement, soutenir la commission juridique qui a débouté l’entreprise de transport ferroviaire au tribunal contre le délogement du squat. Une victoire provisoire. Qui a dit que l’autogestion c’était le bordel ?

 

Si l’équipage de Basta a été accepté dans ce cercle - un cercle qui se méfie des infiltrations de RG - c’est parce qu’il a été introduit par Hernan dont vous pourrez lire le portrait dans REGARDS au mois de mai. Hernan tient la coopérative-librairie Ciutat invisible linkavec quelques associés. C’est une excellente adresse : on y voit en vitrine un excellent livre : « Argentina Rebelde, un laboratorio de contra-poder »

 

 

Hernan : « Je ne veux pas travailler pour payer un logement. Pourquoi pas pour respirer ! Payer un logement c’est avoir un contrat de travail fixe, un bulletin de salaire qui t’oblige à rentrer dans une machinerie, à baisser la tête, à accepter une vie que tu refuses. De l’esclavage ». Hernan a crée son emploi dans sa coopérative où il alimente un centre de documentation sur les mouvements sociaux de Catalogne. Il touche un tout petit salaire, mais vit comme il l’entend, squattant un logement à Can Vies.

 

Autogestion et autonomie, aventi ! Le 27 mars, Basta a mis les voiles entre deux coups de vent vers l’archipel des Baléares. Son équipage va expérimenter ces belles théories. Objectif : une semaine en autosuffisance dans la crique de Turqueta à Minorque.

 

 

C’est bon l’autogestion ! Mais qu’importe le mode de prise de décisions quand il s’agit d’autonomie : la pêche semble plutôt dépendre du hasard…

 

Petit encadré pratique : la bonne soupe de pêcheur à la Bastarde

 

Prenez deux ou trois girelles, dorades et rouquiés pris au filet ou au fusil en plongée sous-marine. Coupez les en morceaux. Plongez les dans une cocotte remplie d’une brique de sauce tomates Lidl. Ajoutez toutes les épices qui vous tombent sous la main. Faire cuire à petit feu. Et mettez ce que vous ne mangez pas au dîner en conserve. Pour l’autonomie à venir.

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15 mars 2008 6 15 /03 /mars /2008 07:30

Ivan Rios est mort. La radio l’a annoncé il y a quelques jours. Daniel en a eu le souffle coupé. Il m’a regardé et a dit : « Cécile, Ivan est mort ! ». Ivan Rios était un membre du bureau politique des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie. Nous avions rendez-vous avec lui dans le petit restaurant d’un hameau du fin fond de la jungle quand, en février 2002, le processus de paix en Colombie a subitement été interrompu par le gouvernement.

 
Les FARC bénéficiaient alors d’une enclave grande comme la Suisse, démilitarisée depuis le 7 novembre 1998 pour être transformée en laboratoire de paix accueillant des conciliabules. Cependant, le 20 février, à 21H19, le président de la République de Colombie, Andres Pastrana, donna une allocution télévisée exceptionnelle : « J’ai décidé de mettre fin à la zone démilitarisée [pour mener les dialogues de paix], à partir de minuit. J’ai donné tous les ordres nécessaires aux Armées pour reprendre cette zone [aux guérilleros], en ayant une attention toute particulière pour la population civile ».
 
Ce que venait d’annoncer le numéro un colombien était la guerre. Ainsi, les douze coups de minuit sonnèrent le début d’une vaste offensive aérienne visant l’enclave concédée aux rebelles. Baptisée « Thanatos », du nom du Dieu grec de la mort, l’opération militaire s’attaqua à 85 cibles stratégiques au cœur d’une zone habitée par 100.000 civils. On ne les avait ni évacués, ni même prévenus…
 
Notre vol intérieur fut annulé.
Les jours suivant, Ingrid Betancourt fut empêchée par les autorités de rejoindre par les airs la commune qui avait fait office de lieu d’accueil des pourparlers. C’était une commune administrée par un maire de son parti politique. Ingrid ressentit légitimement le devoir de s’y rendre envers et contre tout -par la route- pour être solidaire de ses électeurs sous les feux. Elle fut alors kidnappée par les FARC dans un de leur barrage.
 
 
Le lendemain de l’annonce de la mort d’Ivan Rios à la radio, le quotidien La Vanguardia a publié cette photo :
 
ivan-rios-vanguardia.jpg
 
Je n’ai pu m’empêché de faire un rapprochement avec cette autre image devenue célèbre.
 
che-guevara.jpg
 
Politiquement correct ou pas, qu’importe, ce rapprochement n’est pas si impertinent : comme le Che, Ivan Rios a cru pouvoir imposer par la force ce qu’il entendait comme un projet de société idéal pour l’Homme, et il est mort de la trahison d’un de ses hommes appâté par une récompense en argent... l’un de ces Hommes.
 
Le photographe de l’AFP a –t-il perçu ce rapprochement ?
 
L’article de La Vanguardia précise :
Ivan Rios a été tué par son garde du corps. Celui-ci l’a flingué pendant son sommeil dans l’espoir de toucher la prime de deux millions d’euros promise par le gouvernement. Puis, il a coupé une main au cadavre pour l’amener à l’armée et ainsi prouver qu’il avait bien assassiné le bon guérillero. Le cadavre mutilé d’Ivan Rios a ensuite été déterré par l’armée colombienne sur les indications de son assassin.
 
La Vanguardia poursuit : des avocats se questionnent. La rançon promise pourra-t-elle être acquittée ? Le fait que l’Etat colombien paie deux millions d’euros pour récompenser un assassinat est-il légal ? constitutionnel ?

Durant les pourparlers de paix, Ivan Rios faisait un peu office d’attaché de presse dans la zone démilitarisée pour les négociations.
En 2001, Daniel avait traîné une bonne semaine à Los Pozos, le hameau isolé, lieu exact de la table des pourparlers. Il y séjournait dans une baraque en bois où une famille avait ouvert 4 chambres sommaires avec des moustiquaires. C’était en quelque sorte un gîte rural, version locale.
Durant cinq jours, Daniel resta le seul visiteur de ce patelin. Et pour cause, il ne s’y passait rien. C’était avant une grande réunion prévue avec des représentants de 22 pays « facilitateurs » de paix. C’est seulement à l’approche du rendez-vous qu’étaient arrivées en bus des familles de kidnappés. Après un voyage éprouvant, elles s’étaient installées dans la même « pension ». Les journalistes, eux, viendraient les jours suivants en avion et dormiraient à la ville voisine dans des hôtels.
 
A Los Pozos, se dressaient des bâtiments réservés aux Farc.
Ivan Rios y avait un bureau. Il y recevait surtout les doléances des habitants. Ivan Rios dormait dans un campement à quelques kilomètres dans la forêt et faisait tous les jours le trajet jusqu'à Los Pozos. Il déjeunait quotidiennement dans un petit restaurant que Daniel avait repéré.
Daniel y mangeait à une table. Ivan à une autre. C’est ainsi que leurs conversations ont commencé en fin de repas un beau jour. Ils discutèrent sur des images diffusées à la télé, puis, le lendemain, Ivan l’invita à boire un café dans son bureau.
 
Daniel qui était là un peu par hasard pour faire des photos des Farc y apprit alors qu’il y avait dans les jours suivants la grande réunion [Ivan Rios dû comprendre ce jour-là que ce drôle de journaliste fauché et mal informé n’était pas tout à fait comme les autres].
 
Daniel et Ivan « sympathisèrent ». L’un tentant d’apparaître comme un journaliste de gauche sans trop faire d’efforts. L’autre n’étant pas trop dupe, tentant d’apparaître comme un jeune guérillero intello et idéaliste, sans trop faire d’efforts non plus, laissant le journaliste pas trop dupe non plus. Bref, ils étaient sur la même longueur d’onde. Le courant passait.
 
Durant ce séjour, Daniel réussit à interviewer Joaquim Gomez, un leader des FARC. A l’époque, cette guérilla n’étant pas très en vogue, l’interview était sortie dans Croissance, une revue intelligente mais peu lue qui coula peu de temps après.
 
04.jpg
Anecdote, un soir, dans le fameux resto :
Daniel repère l’un des chefs des FARC en compagnie de sa femme et de sa fille, à une table. Il attend la fin du repas, se présente et demande l’autorisation de tirer un portait de famille. Le chef réplique : « Une photo de moi oui, mais pas de ma femme, ni de ma fille ! » Puis, le guérillero se lève et s’en va.
Mais Daniel voit par terre, sous sa chaise, une grosse liasse de billets. Visiblement, cette belle petite somme est tombée de sa poche. Lui qui, comme d’habitude, voyage avec très peu de fric, hésite, mais pas trop : « Là, faut pas rigoler ! ».
Il court donc après le guérillero «  Eh, viens, viens ! », lance-t-il, à ce chef étonné qu’un journaliste lui parle ainsi. L’homme revient sur ses pas, découvre la liasse et remercie Daniel chaleureusement. Voilà le photographe dans les papiers des Farc…
 
Par la suite, Daniel prendra tous ses repas ou ses cafés avec Ivan Rios. Ils commenteront la télé, discuteront politique, rigoleront, puis, échangeront pendant un an des emails. C’est grâce à ces contacts que nous avons convaincu un grand hebdo féminin de financer notre reportage sur les femmes dans la guérilla en février 2002.
 
Le 20, la guerre éclate. Puis Ingrid est kidnappée. La presse française ne porte plus le même regard sur le conflit colombien.
Malgré les conditions, nous séjournons tout de même quinze jours dans un campement clandestin de la guérilla.
Le magazine féminin qui avait aimé les portraits de guérilleras de Daniel prises à Los Pozos considérées « glamour », et qui nous avait envoyé pour cette raison continuer ce sujet, ne voulait plus voir que des images de guérilleras aux regards féroces, aux dents serrées, sans maquillage…
 
 
 
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6 mars 2008 4 06 /03 /mars /2008 06:55
 
Non, ce n’est pas l’équipage du Basta éméché à la sangria ou traumatisé par la mésaventure avec la police barcelonaise qui décrète ce mauvais scénario de SF. C’est Jacques Atalli !
Bon, c’est vrai qu’il dit pas mal de conneries surtout ces derniers temps.
Mais là, Atalli mérite d’être écouté. 
Je décris un débat TV sur le plateau de Ce soir ou jamais (Incroyable ! à bord, dans notre marina à cartes magnétiques et caméras de vidéo-surveillance, nous avons wifi, donc nous pouvons podcaster !). Le débat réunit des futurologues. Nos sociétés vont s’orienter vers de plus en plus de peurs, donc de contrôles – d’où le pouvoir des assurances… etc  
Je cite Atalli : «  Nous irons vers une surveillance accrue. Et même une auto-surveillance. Nous aurons si peur de ne pas être conformes à la norme que nous surveillerons nos propres écarts à cette normalité »… Ainsi, nous vivrons dans l’illusion totale de notre liberté, étant seulement « libres de créer les conditions de la jouissance de notre servitude ». 
Ça y est : Basta est assuré chez un assureur dénoncé par Amnesty International pour ses investissements dans les mines antipersonnel... C'est idiot, nous réalisons justement une enquête (sur un tout autre sujet) pour la revue française d'Amnesty ! 
Quand ils n'écrivent pas dans les journaux des ONG, les journalistes sont de toute façon habitués à travailler pour des marchands de canon qu'ils le veuillent ou non.

Basta est donc assuré. Je ne détaillerai pas ici la globalité des démarches et des astuces qu’il a fallu trouvées pour que le bateau retrouve enfin la possession de son droit de circuler. Disons seulement que notre voilier a recouvré ses papiers.
Un autre intervenant sur le plateau, Joel de Rosnay, je crois, annonçait la web-résistance. Une sorte de bienveillance en réseau qui supplanterait finalement ce monde engoncé dans ces phobies. Et l’on irait vers l’assurance peer to peer d’internautes rebelles s’assurant entre eux… Des volontaires ?
CR
 
 02.jpg
 
Me reviennent à présent les paroles de Claude Bébéar qui, à l’antenne de France Culture, racontait comment, quand il était plus jeune, il avait pressenti que le développement industriel de l’après guerre allait être accompagné de prises de risque et donc, de l’assurance. Il se satisfaisait de sa bonne fortune … Il n’avouait surtout pas d’avoir su voir que tout entrepreneur industriel n’a pour but que de ne jouir d’un confort qu’après peut-être une prise de risque. Et c’est ce confort là qu’il faut assurer. Nous, qui refusions cet état, avons assuré Basta … responsabilité civile et enlèvement d’épave… chez AXA !
Sommes-nous plus responsables maintenant ? Peut-être que nous allons faire moins attention dans les ports puisque si nous abîmons un autre bateau ou blessons quelqu’un, c’est l’assurance qui paît ! Nous avions encore le choix dans les eaux françaises, maintenant non. Et nous allons avoir de moins en moins le choix.
DH
 
 
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25 février 2008 1 25 /02 /février /2008 09:00
Deux jours après son amarrage à Barcelone, Basta est immobilisé par la police. Son acte de francisation (les papiers du bateau) a été confisqué par les autorités. « Navegar = carcel », a précisé le chef de la police maritime d’un ton ferme.

 

Le 23 février sur Barcelone, il fait beau. Des dauphins sautent autour du bateau. Nous entrons heureux dans le premier port au Nord de Barcelone, le port Forum. Là, avant l’entrée d’une marina où sont stationnés des yachts aussi impressionnants que celui de Bolloré, un quai municipal borde un bassin de baignade, juste au pied de l’énorme panneau solaire qui surplombe le site.

 

A Barcelone, impossible de mouiller l’ancre dans un abri naturel, la côte est un cordon de plages droites. Ne sachant pas où nous allons trouver une place dans cette ville, ni à quel prix, nous nous amarrons à ce joli quai. On est bien. L’endroit est fréquenté le week-end par des familles du quartier populaire voisin. Juste derrière la marina VIP et les tours-hôtels quatre étoiles, se dresse des HLM. Leurs habitants viennent pêcher ou simplement prendre l’air sur notre quai.

D’emblée, le Basta attire. C’est sympathique. Et l’on se rend compte à quel point les gens sont peu habitués à voir de près des voiliers. C’est vrai : d’habitude ils sont isolés dans les enceintes de marinas surveillées.

Basta aime lui faire rêver gentiment les passants. 

DSCN0926.jpg

 

Nous avons tout rangé, déplié nos bicyclettes et partons explorer le bord de mer, puis le centre-ville. C’est un peu le début du voyage, notre première vraie escale… C’est dimanche, l’après-midi, les bureaux des marinas du centre-ville sont fermés. On verra plus tard pour se renseigner sur les tarifs. Après tout, le long de notre quai municipal, on se sent bien.

 

Cela se voit qu’il est municipal : la marina ne démarre qu’un peu plus loin derrière des barrières et des caméras de vidéo-surveillance, au-delà de bouées spécifiques. D’ailleurs, si personne de la capitainerie ne vient nous voir c’est bien parce que notre emplacement ne les concerne pas. (Ils confirmeront plus tard).

Voilà Daniel spéculant : « On va rester là un moment, personne n’y verra rien ! »

Sceptique, je me laisse convaincre par Diogène.

 

Diogène ? Daniel me raconte son histoire. C’est celle de l’autosuffisance ascétique du citoyen du monde qui satisfait seul les vrais besoins de l’Homme au mépris des servitudes extérieures et de la morale commune.

Le philosophe ascète était donc abrité dans son tonneau quand le grand Alexandre vint le voir. Diogène lui dit alors de se pousser : l’empereur lui faisait de l’ombre…

 

La seconde nuit, vers minuit. A bord de Basta, le long du quai municipal, l’équipage sommeille déjà.

Soudain : ça cogne à la coque. On entend grogner, gueuler. On est illuminé par un puissant spot. Daniel met le nez dehors : La police maritime.

 

« Que faites-vous là ? »

« Rien, on est juste amarré pour la nuit, on ira demain voir la capitainerie de cette marina. »

« Appareillage immédiat, suivez-nous ! Vous devez rentrer dans le port », ordonne le policier en chef, pas commode.

Daniel : « N’y –a-t-il donc pas un anneau de courtoisie quelque part ? ». Les policiers : « En France, même les chiens paient pour chier par terre ! »

Je pense au bon vieux Diogène face au grand Alexandre.

 

Basta est amarré illico entre deux yachts style Bolloré. Sous la pluie. A minuit.

Contrôle d’identité. Papiers du bateau. « Assurance ? »

« Pas d’assurance ! » En France l’assurance n’est pas obligatoire pour un voilier.

« Ici, c’est une infraction. Si vous naviguez : prison !»

Le bateau est immobilisé. Les documents sont confisqués. Théoriquement, jusqu’à ce que Basta contracte une assurance.

 

Pour au moins un mois, Basta est amarré dans la marina port Forum avec branchement d’eau, électricité, wifi et tous les services qu’il faut payer. Une carte magnétique personnalisée donne accès aux quais. Une musique jazzy de supermarché est diffusée en permanence sur les pontons.

 

Payer. Obéir au policier. S’assurer. Accepter qu’il n’y ai plus de place abri pour le navigateur en escale,  plus aucun anneau de courtoisie, ces amarrages gratuits qui honoraient les voyageurs. Il y a quinze ans, à bord de notre premier bateau sur lequel nous avons navigué six ans sans assurance, les Argentins nous avaient offert des anneaux de courtoisie. Pendant plus de six mois. C’était avant la crise.

Avant que les chiens ne paient pour chier par terre.

 

 

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BASTA est en Bretagne...

Après 63 jours de mer depuis le Panama, Basta flotte sur la Vilaine.

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