Entre les Canaries et Dakar, Basta a navigué 9 jours.
D'abord dans la pétole. Ensuite dans le grand-frais. Puis, de nouveau dans la pétole. Neuf jours de solitude à deux. Pour lire. Lire sur l'Afrique de l'Ouest, que l'on avait depuis longtemps très envie de rejoindre à la voile. C'est fait !
Aux Canaries, nous avions demandé à nos amis Coralie et Olivier, venus en croisière à bord découvrir l'île de Gomera, de nous amener quelques livres, parmi lesquels deux ouvrages de Stephen Smith, l'ex spécialiste de l'Afrique du journal Le Monde.
Ainsi, entre deux dorades coryphènes en sauce, entre les Canaries et Dakar, nous avons lu ceci : "Si 6 millions d'Israéliens pouvaient, par un échange standard démographique, prendre la place des Tchadiens, à peine plus nombreux, le Tibesti fleurirait et une Mésopotamie africaine naîtrait sur les terres entre le Logone et le Chari"...
Nous avions quitté Gomera juste après un coup de vent brulant venant du désert qui -par chance pour nous- avait fait tomber tous les avocats par terre... (merci Gourou Sylvain pour les bons fruits de ton jardin !) Nous avons donc pensé entre deux avocats en sauce, "Si 1 journaliste africain avait pu, par échange standard démographique, prendre la place d'un journaliste franco-américain au Monde, les colonnes de ce journal auraient fleuries de moins de conneries dans la rubrique Afrique"...
Heureusement, la bibliothèque du bord était aussi dotée du livre d'Anne-Cécile Robert du Monde Diplomatique "L'Afrique au secours de l'occident", entre autres. Mais c'est plus tard, une fois une bonne librairie trouvée à Dakar, que nous avons lu cette réponse à Stephen Smith du Malien Moussa konaté dans son excéllent "L'afrique noire est-elle maudite?" : "En somme voilà une nouvelle science inventée par cet auteur (stephen Smith) qui nous enseigne que la population est une entité homogène, dotée de qualités ou de défauts indépendants du temps, de l'espace et de la culture, et cela pour l'éternité. L'indigence de cette réflexion est telle qu'elle ne mérite pas qu'on s'y attarde"...
Attardons-nous tout de même un petit peu dans cet absurde...
Si les personnes vivant en France pouvaient être échangées par celles qui vivent en Mongolie, au lieu de vivre dans des cités où l'on crame des voitures, cette population de Français vivraient dans des yourtes et se deplaceraient sur de robustes chevaux dans les plaines. Sarko serait un grand Khan moustachu ! Et si les mongoles se prêtaient à leur tour à l'échange standard avec les Afghans, sarko tomberait peut-être de sa monture au Buzkashi...
En parlant de Nicolas Le Petit, 23 intellectuels africains ont écrit un autre très bon livre : "L'Afrique répond à Sarkozy - Contre le discours de Dakar". On se souvient qu'il fut dit dans ce discours " Le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire."
Mais si réellement l'homme (africain ou autre) n'était pas entré dans l'Histoire, ce ne serait pas un drame, plutôt, au contraire, une chance... échapper aux guerres, ou à l'un des nombreux camps de la mort qui jalonnent l'Histoire de l'Europe, ou encore, échapper à
l' enchainement dans des cales de navires...
Basta est au mouillage dans la baie de Hann, bien gardiénné, au Cercle de Voile de Dakar. Et, après la sympathique visite d'amis à Gomera, colonie de hypies allemands, l'équipage, à cours de lectures fraiches, est parti en vadrouille en brousse. Mali. Burkina... En bus...
Les navigations nous ont pris beaucoup de temps cette année, nous voilà enfin en reportage ! Toujours au service d'associations de lutte contre le sida pour un réseau d'ONG. Et à la rencontre d'hommes africains et de femmes africaines qui construisent leur histoire : des paysan(ne)s du delta intérieur du Niger révolté(e)s contre l'accaparement de leurs terres... Et il y a de la répression dans l'air...
A Bamako, on fêtait le cinquantenaire de l'indépendance. Mais au lieu d'assister en plein cagnard à un défilé militaire controversé en présence de Kadafi et de l'ex dictateur Moussa Traoré, nous avons préféré lire sous un ventilateur l'Histoire du Mali de Modibo Keita dans le Canard Déchainé. A propos de l'éclatement de la fédération du Mali (l'union du Mali et du Sénégal d'abord envisagée), on y lit ceci : "La fédération du Mali a été cassée par un coup d'Etat, organisé, dirigé et exécuté par l'armée française sous la direction de l'ambassadeur de France qui a été nommé pour ce seul objectif. Cela est clair dans les mémoires de cet ambassadeur Monsieur Etienne Dubois Lambert, qui écrit dans son livre intitulé: "les sèves de l'espoir" les détails du coup d'Etat. En résumé, De Gaulle ne voulait pas que deux Etats se donnent la main dans le cadre de la communauté qu'il dirigeait. Il voulait que chaque Etat lui soit attaché directement. C'est ainsi que dans la nuit du 19 au 20 aout, son ambassadeur est allé voir Senghor qui avait été préparé, par lui, au cours d'un entretien qui eu lieu, une semaine avant et au cours duquel, Senghor avait donné son accord pour le coup d'Etat..."
Nous n'avions pas le souvenir d'avoir lu cette version de l'Histoire dans nos livre scolaires. Ce qui n'était pas vérifiable, n'ayant sous la main que le guide du routard Afrique de l'Ouest. On y lit ceci, une histoire un peu divergente : "République soudanaise en 1959, le Mali tente une fédération avec le Sénégal, qui échoue en raison des rivalités et des divergences de vue entre Senghor et Keïta, les dirigeants sénégalais et malien."
L'Histoire africaine est-elle assez entrée dans l'homme français ?